Beaucoup d’hôteliers et tenanciers de bars d’Uvira, au Sud-Kivu, vont chercher des travailleurs au Burundi voisin. Ils apprécient ces employés de maison, réputés peu exigeants et respectueux. Les domestiques mal traités ne se plaignent pas, car ils gagnent mieux leur vie à Uvira que dans leur pays.
Ils seraient une centaine de jeunes burundais embauchés dans des ménages, hôtels, bars et restaurants d’Uvira (Sud-Kivu). Un petit tour en ville dans quelques établissements suffit à se convaincre de leur nombre important. Au restaurant Blue cat house, 8 des 10 employés sont Burundais. Au dancing club Cinq sur cinq, ils sont 10 sur un total de 22 travailleurs. Quant au restaurant Apocalypse, il n’a que quatre employés.
Tous sont du Burundi.
A Uvira, ces travailleurs sont très appréciés, car réputés courageux et peu exigeants en termes de rémunération. De nombreux Congolais parcourent donc les quelques 20 km qui séparent Bujumbura, la capitale du Burundi, d’Uvira pour recruter ces jeunes. La plupart d’entre eux sont désœuvrés, venus de l’intérieur de leur pays pour trouver un emploi.
A Uvira, la quasi-totalité de ces employés sont inconnus de l’Inspection du travail. « 98 % d’entre eux n’ont pas ouvert de dossiers afin que leur situation soit suivie de près par mon service », confirme Joseph Sulubika, Inspecteur principal du travail.
Il rappelle que l’article 209 de la loi n°015/2002 du 16 octobre 2002 portant Code du travail veut que la Commission nationale de l’emploi des étrangers délivre à ces derniers une carte de travail. Une façon de connaître leur nombre et de les contrôler. Mais, en 2012, seuls trois Burundais se sont faits enregistrer et ont bénéficié d’une attestation tenant lieu de carte de travail. Ce qui place l’Inspection dans une mauvaise position pour les défendre en cas d’abus de leurs employeurs.
« Je ne me plains pas »
On ne peut avoir la carte de travail pour étranger que si on séjourne au pays selon les normes établies. « Or, beaucoup n’ont pas de documents qui attestent de leur présence en RDC », ajoute J. Sulubika. De nombreux Burundais rechignent à aller chercher cette carte pour ne pas risquer de se faire dénicher par les services compétents.
En plus, la plupart d’entre eux ignorent qu’ils doivent aller à l’Inspection régulariser leur situation. Leurs employeurs ne les y encouragent généralement pas. Ils n’obtiennent alors que des contrats oraux. Sans carte de travail, difficile que l’Etat intervienne pour les défendre quand leurs patrons violent leurs droits… En cas de désaccords, bon nombre d’employés burundais cherchent donc simplement un autre employeur.
Mais, la plupart du temps, compte tenu du montant qu’ils reçoivent en RD Congo, beaucoup préfèrent endurer ces abus. « Comme cuisinier au Burundi, je gagnais 25 000 Fbu (15 $) par mois. Ce même travail en RDC m’est payé 40 $ », explique Janvier, un de ces domestiques. Certains gagnent parfois quatre fois plus que ce qu’ils auraient obtenu chez eux. « Je ne me plains pas, car celui qui travaille chez moi exécute les tâches sans difficultés. J’ai même commencé à lui payer 60 $ le mois », explique Bernadette, patronne depuis 6 ans d’un domestique burundais.
Dès lors, ces employés font tout pour se différencier des travailleurs congolais. Ils ne veulent surtout pas accuser leurs maîtres. Le comité des domestiques burundais d’Uvira poursuit d’ailleurs ses actions de sensibilisation auprès de ses membres. Au cours de leurs réunions de juillet 2012 auxquelles 50 d’entre eux ont assisté, le président du comité leur a demandé de « ne pas voler les biens de leurs maîtres, ni échanger insolemment avec eux, afin de préserver leur confiance. »
Par Pierre Kilele Muzaliwa, Patient Debaba Lufira