Couronné du prix Seligmann contre le racisme, le dernier de livre de Léonora Miano, Écrits pour la parole, est difficile à saisir. Revendiqué comme un texte de théâtre, c’est en fait une succession de textes courts qui nous sont donnés à lire.
Construit en deux parties, In-tranquilles et Femmes in the city, Écrits pour la parole s’articule autourdes thèmes de prédilection de son auteur : les afro-descendants (qu’elle nomme aussi afropéen), et la condition féminine.
S’y succèdent une multitude de voix, monologues et mélopées, qui toutes crachent une même douleur : comment trouver sa place? « couleur », « pièces d’identité », « on ne sait pas », « sororité », etc. on entend dans chaque sous-titre des échos de questionnements identitaires.
Et comme toujours Léonora Miano s’engouffre dans les failles du présent pour mettre le doigt là où ça fait mal. Écrits pour la parole a été taxé de racisme. Puis il a reçu le prix Seligmann.
Il faut dire que les discours qui y sont mis en scène se soucient bien peu d’être policés. Au contraire, chaque petit récit trimballe son lot de violence ordinaire : histoire de la colonisation qui n’est pas exactement enseignée en classe, racisme insidieux au quotidien, drague de rue agressive, etc.
Le court texte « projections » s’ouvre sur ces mots : « Je ne veux pas choquer en le disant Je ne veux pas choquer en disant qu’il est ardu voire impossible dans le contexte actuel Je ne voudrais pas choquer D’ailleurs je tiens à m’excuser d’avance »
Difficile d’en croire un mot. Au contraire ce livre veut choquer, remuer, pousser le lecteur dans ses retranchements ; d’où, certainement, les accusations de racisme. La « parole » du titre c’est donc celle qui va dire et mettre sur le devant de la scène ce que certains voudraient taire.
Mais ce qui tranche avec les précédents ouvrages de Miano c’est un travail inédit de la langue. L’écriture au rythme syncopé semble souligner une urgence tout autant qu’une difficulté à dire. Il ne faut pas oublier que nous lisons là un texte de théâtre. Tout lecteur gagnerait à l’entendre sur les planches, des écrits pour la parole dont il nous tarde donc d’entendre la voix.