Ayant pour trame principale une histoire d’amour interethnique, le film Fanie Fourie’s Lobola d’Henk Pretorius, projeté dans le cadre du Festival du Film Black à Montréal, pose mille et une question à la société contemporaine sud-africaine, en pleine convalescence suite à la récente dégradation de l’état de santé de son ex-président Nelson Mandela.
L’Afrique du Sud porte encore en elle, les blessures peinant à cicatriser d’un passé de violence, d’intolérance et d’oppression. C’est dans une société s’échinant à accepter son identité multiple liée aux enjeux politico-ethniques qu’Henk Pretorius vient poser sa caméra, mettant en scène une histoire d’amour touchante et drôle entre un Afrikaans, Fanie Fourie (interprété par Eduan Van Jaarsveldt) et une Zulu, Dinky Magubane (interprétée par Zethu Dhlormo).
Issue d’une famille aisée, cloîtrée dans une immense maison aux hautes barrières, elle- même confinée dans un quartier résidentiel à l’entrée sécurisée, Fanie Fourie peine à trouver l’amour jusqu’à sa rencontre avec Dinky, récemment diplômée en gestion et en finances.
Sortant de sa zone de confort pour rejoindre les quartiers pauvres en périphérie de la ville où vit Dinky (et majoritairement, la population noire sud-africaine), Fanie ne cille pas devant les fossés culturels ni les moqueries redondantes aux relents de préjugés raciaux de son entourage.
Prêt à payer la lobola (une sorte de dot) de Dinky pour pouvoir se marier, Fanie affronte ainsi sa communauté incarnée par le personnage de sa mère réactionnaire et raciste.
«The colour line was crossed»
Fanie Fourie’s lobola confronte deux univers trop longtemps perçus comme opposés et par conséquent non complémentaires à travers le contraste des langues (l’Afrikaans et le Zoulou) ou encore le contraste des milieux de vie, rappelant la compartimentation économique des populations malgré la fin de l’Apartheid.
Dressant des ponts l’un vers l’autre, Fanie et Dinky s’expriment en anglais, pénétrant ainsi leurs univers poreux respectifs, partageant leur passion des voitures, du rugby ou encore de la musique.
Le film témoigne aussi d’un mal-être latent chez les Africains blancs, ne semblant se considérer ni vraiment africain, ni vraiment blanc. En témoigne l’échange violent entre Fanie et sa mère, alors que celle-ci le jette dehors après avoir découvert ses plans de mariage :
– If it’s about her being black …
– It’s because Africa is in her blood!
– Africa’s in my blood too!
Henk Pretorius n’a pas froid aux yeux lorsqu’il est question d’aborder les sujets épineux, que ce soit la vision des Noirs sur les Blancs et vice versa, ou encore la difficulté de se positionner partialement sur la création historique de l’Afrique du Sud :
What about your children ? What history will you teach them ? The one were Jan Van Riebeeck came to South Africa to civilise it with science and medicine ? Or the one were the evil white man destroyed the paradise of the happy Africans ?
Et tandis que la mère de Fanie s’enferme dans ses peurs ancestrales, le père de Dinky (interprété par Jerry Mofokeng, vu dans The Forgotten Kingdom) s’enterre lui dans les traditions rassurantes, mais désuètes, cherchant à vendre sa fille. Mais Dinky, émancipée et éduquée, refuse d’être quelqu’un à acquérir, refusant les lobolas et exprimant son droit à choisir son époux.
Film aux multiples tiroirs idéologiques, Fanie Fourie’s lobola est un long-métrage réussi et pertinent par son propos violent et sans concession, et son ton néanmoins drôle et optimiste.
Loin des discours anthologiques de Nelson Mandela rêvant d’une Afrique en paix, Henk Pretorius met en avant les combats à mener vers une plus grande mixité et une plus large acceptation.