La (courageuse) vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche

Le film La vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche, Palme d’or à Cannes en mai 2013, sera présenté sur les écrans québécois dès le 9 octobre. Abdellatif Kechiche, le réalisateur de l’Esquive (2004), de La graine et le mulet (2007) et plus récemment de la Vénus Noire (2010) filme l’histoire d’amour passionnée entre Adèle et Emma, et en filigrane, le parcours sinueux d’Adèle vers la pleine affirmation d’elle-même.

La Vie d’Adèle chapitres 1et 2-1 Résumer La vie d’Adèle à une simple histoire homosexuelle, qui plus est subversive – ne l’est-elle pas déjà aux yeux des réactionnaires ? – au vu des (longues) séquences dédiées aux rapports sexuels du couple serait avoué à demi-mot être passé complètement à côté du long-métrage.

Bien plus qu’une histoire d’amour, le film raconte la difficulté de s’affirmer en tant que personne, et plus particulièrement, en tant que femme, loin des attentes et des dires bien souvent méchants d’autrui.

Chapitre 1 et 2

laviedadele_poster_tDécoupé en deux volets, La vie d’Adèle suit dans un premier temps les années lycée d’Adèle (interprétée par Adèle Exarchopoulos), Lilloise issue d’une famille de classe moyenne, passionnée par ses cours de littérature et peu attirée par les garçons.

Alors qu’elle découvre la notion de fatalité et de coup de foudre à travers ses lectures obligatoires, Adèle tombe sous le charme d’Emma (interprétée par Léa Seydoux), étudiante aisée des Beaux-Arts aspirant à devenir artiste-peintre.

Véritable éducation sentimentale, la relation entre les deux protagonistes illustre par ailleurs la rencontre entre deux univers sociaux différents à travers des repas où viennent s’affronter huîtres, spaghettis et conceptions de vie foncièrement antagonistes.

Dans un second temps, le film suit Adèle devenue institutrice en maternelle, en concubinage avec Emma, plongée dans la préparation de son exposition. La routine s’est substituée à la passion des premières années, et les écarts de rythme de vie éloignent de plus en plus les deux femmes.

Jeunesse et rébellion

kECHICHE-Vie-AdeleRéalisateur capturant le quotidien et le trivial autant dans les gestes que dans les mots, Abdellatif Kechiche offre un film de trois heures, ne craignant ni la durée, ni les périodes de creux. Installant son propos dans des scènes de dialogue volontairement longues, le réalisateur reconstruit ainsi un univers vraisemblable et surtout poignant, à la fois par sa justesse et par son intolérable lucidité.

Sachant filmer à la perfection la jeunesse française dans toute sa complexité depuis L’esquive en empruntant ses codes et ses rites, Abdellatif Kechiche nous fait vivre les altercations adolescentes et les discussions crues, évoquant ainsi un monde où les apparences et les normes se confondent.

Seydoux-Vie-AdeleAlors que le chapitre 1 émeut par son intensité et par son urgence, on remarque un certain relâchement dans le chapitre 2, que l’on pourrait toutefois défendre en invoquant la représentation à l’écran des thèmes de la mélancolie, de la lassitude et de la solitude en opposition à la fusion et à la fureur propres sûrement à la jeunesse et à l’insouciance.

Finalement, le personnage rebelle et timide, mais loin d’être pusillanime d’Adèle tente de se frayer un chemin entre ses attirances et ses peurs, entre son éducation pragmatique et ses désirs, entre ce qu’elle devrait être et ce qu’elle est, entre l’amour et le rejet ; devenant le symbole d’une jeunesse qui se cherche pour s’assumer.

Malgré les nombreuses polémiques brassées autour du film et des dessous de sa réalisation, La vie d’Adèle mérite d’être vu avec « un cœur vierge et un regard bienveillant » pour ce qu’il a à montrer et surtout pour ce qu’il a à dire sur l’amour et sur la force féminine.

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