Près des deux tiers des députés rwandais sont des femmes. Un chiffre record qui doit beaucoup aux « actions affirmatives » du gouvernement qui favorisent leur élection. Un chiffre dangereux pour certains car il n’est pas issu d’une saine compétition avec les hommes qui soit fondée sur des compétences.
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C’est une femme, Donatille Mukabalisa, une juriste, qui a été élue le 4 octobre à la tête du nouveau parlement rwandais, issu des élections de septembre dernier
Sur les trois membres du bureau de la chambre basse du parlement, elles sont ainsi deux femmes. Les femmes toujours occupent 64 % des sièges de la chambre des députés qui compte 29 hommes et 51 femmes.
Des chiffres qui font la fierté de ce parlement, le seul au monde où les femmes sont majoritaires.
C’est ainsi qu’il est premier au classement mondial de l’UIP (Union Interparlementaire) des femmes au Parlement, une position qu’il occupe depuis les élections de 2008, où la chambre basse du parlement rwandais comptait déjà 56% de femmes. Le sénat, lui, est composé de 10 femmes sur 26 membres. Ainsi, la chambre bicamérale du Rwanda est majoritairement féminine (58% de femmes).
Pour un membre du FPR, parti au pouvoir, « ces résultats attestent d’une volonté politique de mettre les femmes sur un pied d’égalité avec les hommes dans la représentation politique, mais aussi de leur forte présence dans le paysage politique ».
D’où une spécificité du système électoral rwandais, qui accorde 24 sièges à des femmes sélectionnées- en théorie sur des bases non partisanes – par des collèges et conseils aux niveaux local et national.
Mais les femmes ont également conquis 26 des 53 sièges réservés aux partis politiques et attribués au suffrage universel et un siège des jeunes. Chaque parti politique doit toujours présenter une liste comprenant obligatoirement au moins une femme sur deux hommes.
Ainsi par exemple, sur les 41 élus du FPR et sa coalition, il y a 20 femmes. Des mesures qui expliquent, en grande partie, l’importante représentation féminine au parlement.
Soif de record mondial sans changement
Mais pour certains Rwandais ces chiffres impressionnants ont des effets pervers. « Si nous brandissons les chiffres pour battre le record mondial seulement, sans se baser sur les vraies capacités des femmes, ce sera une grande erreur, estime un citoyen de Kigali. Nous avons besoin d’un parlement qui puisse représenter des petits citoyens, les protéger contre les injustices, qui nous apporte des changements, qu’il soit en majorité composé de femmes ou d’hommes ».
Selon Marie Immaculée Ingabire, experte en genre, ces « faveurs » doivent peu à peu cesser car certaines sont même contre-productives. Pour cette activiste des droits des femmes, « voter pour les femmes en vote catégoriel risque de créer des frustrations du côté des hommes. Ils pourront dire que finalement les femmes ont un traitement de faveur », estime-t-elle.
Pour elle, « il faut qu’elles soient compétitives avec les hommes dans les partis politiques » et que les mesures prises pour les encourager à participer à la vie politique du pays ne dépassent pas trois mandats (Ndlr : c’est le troisième mandat du parlement rwandais après le génocide de 1994).
« Quand la société rwandaise aura l’habitude d’accepter la présence de femmes en politique, les quotas ne seront plus nécessaires », estime aussi le président Paul Kagame.
Avis rejeté par un membre d’un parti de la coalition du FPR qui estime qu' »elles sont toujours prêtes à coopérer, les travaux du parlement demandent la coopération et l’entente ». Il espère que « le grand nombre de femmes favorisera la bonne marche du parlement ».
« Si on admet que les femmes ont des capacités, elles ne devraient pas jouir des faveurs attribuées par la loi, mais entrer en compétition avec les autres », suggère un politologue de Kigali. Aujourd’hui, poursuit-il, « comme les femmes ont droit aux études comme les hommes, elles ne devraient continuer à avoir plus d’avantages que leurs frères ».
Si la loi qui détermine le chiffre obligatoire des femmes dans certains organes ne change pas, ce politologue suggère, qu’au moins dans les partis politiques, le quota de 30% ne soit pas exigé.
Par Albert-Baudoin Twizeyima