Les femmes rurales payent un lourd tribut au réchauffement climatique au Bas-Congo, province agricole au sud-ouest de Kinshasa. Conscientes de leur vulnérabilité, elles se sont mises à reboiser activement et invitent les autres à les imiter.
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« Nous sommes en train de souffrir. Personne ne s’occupe de nous. Comment scolariser nos enfants, les nourrir, les vêtir …Il nous faut désormais parcourir des longues distances pour cultiver. La terre ne nous donne plus de bonnes récoltes », larmoie presque Alphonsine Lukebana, une paysanne de Kimpese à 145 km de Matadi.
« Je me demande ce que nous deviendrons d’ici là si rien n’est fait pour stopper la dégradation des forêts. Nous sommes obligés de fournir d’énormes efforts pour survivre », lance cette autre habitante de Nsanda à 30 km de Matadi, chargée du produits de ses champs qu’elle va vendre au chef-lieu de la province. « Pour gagner combien avec le coût de transport qui est devenu trop cher ? », s’interroge-t-elle.
Diminution sensible de la production, dessèchement des cours d’eau, éloignement des terres arables, disparition des espèces végétales et animales, désertification… Les conséquences du dérèglement climatique sont bien perceptibles au Bas-Congo ces dernières années.
« Il plonge la femme, particulièrement celle qui vit en milieu rural, dans une pauvreté sans pareil », fait observer Annie Mbadu, secrétaire permanente du Réseau femmes et développement (Refed). « C’est normal qu’elles en souffrent davantage car ce sont elles qui pratiquent plus l’agriculture pour faire vivre leurs foyers », embraye Pascal Tsasa, chef de bureau en charge de la gestion des forêts à l’Environnement provincial du Bas-Congo.
Reboisement
Environnementaliste, Christian Pululu soutient que les feux de brousse et le déboisement prononcé constituent les principales causes de « cette catastrophe climatique au Bas-Congo ».
Pour atténuer tant soit peu le malheur de femmes rurales, leurs associations prennent les devants pour le reboisement des forêts. Dans les villages Kiwembo et Mbumbe en territoire de Mbanza-Ngungu, l’Association communautaire pour le développement rural (ACDR) a ainsi déjà planté plus de 10 ha d’arbres.
« Nous y placerons des ruches pour recueillir du miel en faveur des femmes qui subissent le contrecoup du réchauffement climatique », informe Jean-Marie Bopoma, conseiller technique en développement. A Nsioni à 220 Km de Matadi, elles sont aussi nombreuses à planter des arbres.
« Nous n’avons pas de choix si nous voulons sortir de cette grave pauvreté », pense Marie Nsiawete. « Il faut aussi pratiquer l’agroforesterie à côté de l’exploitation des bas fonds pour lutter contre les effets du réchauffement climatique », conseille Tsasa.
La rencontre du Refed fin juillet à Matadi a mis un accent particulier sur la pauvreté de la femme rurale et accouché de plusieurs recommandations, notamment « l’interdiction des constructions anarchiques sur la route de Banana-Muanda pour sauvegarder la forêt des mangroves, la reconstitution de la banque de semences perdues pendant la saison sèche, la recherche des variétés de semences qui résistent à la sécheresse ».
« Ce serait une bonne chose si les autorités prennent en compte ce plaidoyer car, notre souffrance est trop grande », implore Christine Mvumbi, une paysanne de Tshela à 245 km de Matadi.
La Maison de la femme de Matadi
Une maison de la femme est opérationnelle à Matadi (Bas-Congo) depuis fin mars 2012. Cadre de concertation, elle assure la sensibilisation des femmes sur divers thèmes comme les questions du genre, les droits et les devoirs des citoyens, les méfaits des violences sexuelles et l’importance de les dénoncer, etc. « C’est une véritable école pour faire prendre conscience aux femmes appelées à ne plus se sous-estimer par rapport aux hommes », explique Sylvie Khonde, membre d’une Association féminine provinciale.
Scindée en sept compartiments selon les activités organisées, avec une salle d’exposition et des réunions, cette maison a pour l’objectif visé l’épanouissement et le développement intégral des femmes du Bas-Congo.
La maison a été installée à l’initiative de quelques femmes leaders de la province du Bas-Congo, soucieuses d’encadrer leurs consœurs qui n’ont pas un grand niveau intellectuel et qui sont souvent victimes de discriminations et d’injustices sociales.
« Grâce aux formations et d’autres activités éducatives permanentes qui y sont organisées (alphabétisation, coupe et couture, esthétique, informatique), beaucoup de femmes sentent leur niveau relevé », témoigne début octobre, Georgine Ditshekedi, coordonnatrice de la Maison de la femme du Bas-Congo.
Le gouvernement provincial de son côté appuie l’initiative en prenant mensuellement en charge les salaires du personnel qui y preste. « Nous avons l’obligation d’encourager les femmes pour ce genre d’initiatives louables… », rassurait le gouverneur de province le jour de l’inauguration.
Par Alphonse Nekwa Makwala, Emmanuel Lukeba