Pendant la guerre d’Algérie une bande d’enfants joue, s’interroge, grandit. Cette fable inquiétante et gracieuse, Haricots Rouges, premier long-métrage de la réalisatrice algérienne Narime Mari, est présentée aux Rencontres Internationales du Documentaire à Montréal.
Haricots rouges est un film étrange : la chorégraphie désarticulée d’un ballet d’enfants qui s’agitent quelque part au bord de la mer méditerranée, alors que les derniers soubresauts d’une sale guerre font trembler leur pays, l’Algérie. Les batailles, les douleurs, on ne les voit pas.
Seules les ombres des armes imaginaires, le maquillage guerrier des jeux et les conversations enfantines sont là pour nous rappeler qu’au dehors grimacent encore les démons coloniaux.
Drôle de guerre donc, dans laquelle cette nuée de jeunes adolescents s’embarque une nuit où il fait trop faim.
La caméra filme au plus près les corps de l’enfance. Ils nagent, flottent dans cette mer omniprésente et bleue à en crever l’écran. Ils se chamaillent, chantent, se battent contre un adulte effrayant, bravent leurfrousse au cimetière.
Ces mômes-là n’ont jamais peur, ils ont l’insouciance des jeunes années, et l’OAS est un sigle étrange dont ils ne perçoivent pas vraiment le sens.
Narimane Mari signe une fable à hauteur d’enfant. Ce qui ne veut surtout pas dire qu’elle est emplie de naïveté, au contraire.
Les échos de la guerre d’Algérie qui frappent ce petit groupe n’en sont pas moins percutants. Avec eux, à travers eux, on ressent l’angoisse qui plane au dessus de chaque baignade, chaque promenade, chaque nuit qui tombe.
Mais, alors que les mères prient Dieu d’épargner leurs petits, ceux-ci résistent à leur manière : avec l’intensité de ceux qui ne se préoccupent de rien d’autre
que de vivre.
Ce film ovni – qui filme la guerre sans jamais la montrer – résonne de leurs voix, et porte tout entier l’interrogation qui le clôt : « vaut-il mieux être que d’obéir ? ».