Fort de deux rôles marquants au cinéma, dans Kinshasa Kids et surtout dans le très primé Rebelle, Rachel Mwanza publie avec Mbépongo Dédy Bilamba, Survivre pour voir le jour, un ouvrage dans lequel la jeune Kinoise témoigne de la dure réalité des Shégués, ces 20 000 enfants de la rue de Kinshasa.
Rachel n’a que neuf ans, lorsqu’elle débarque, en 2008, sans prévenir dans les rues de la capitale de la République démocratique du Congo. Comment une jeune enfant qui allait à l’école et qui n’est pourtant pas orpheline va se retrouver dans l’enfer des prisons du goudron kinois ?
Avec l’auteur Dédy Bilamba (À nous de faire), Rachel confie un témoignage très poignant et bouleversant de la réalité des enfants-sorciers, assez connue, mais qui n’émeut ni les autorités locales, ni ce que plusieurs appellent l’opinion internationale.
Pour faire court, Rachel est élevée dans une famille moyenne avec ses frères et sœurs, jusqu’au jour où son père va progressivement les abandonner. À son tour, sa mère qu’elle aime tant va se laisser bercer par les paroles de tous ces charlatans de marabout qui pullulent en Afrique. Sa fille est considérée comme une sorcière. Bref, elle est la cause de tous les malheurs de la famille.
«Accusée de sorcellerie, Rachel a vécu de 9 à 14 ans dans les rues de Kinshasa. Devenue une shegué, elle doit se débrouiller seule pour survivre, abandonnée et sans abri. Durant cinq ans, elle affronte la misère, la maladie, la faim et la violence… »
Comme si ce n’était pas suffisant, la grand-mère maternelle va se cacher derrière la parole d’autres charlatans, issue cette fois des rangs de ces sectes et églises évangéliques d’Afrique, pour faire vivre à sa petite-fille l’enfer sur terre.
Pour faire long, il faut évidemment lire ce livre de 192 pages. De la petite maison de province (à Mbuji-Mayi), en passant par les sols humides de toilettes et le lit infect d’un vieillard libidineux et pédophile, jusqu’au carton d’un marché de Kinshasa, Rachel Mwanza décrit sa vie misérable en se servant de la belle plume de Dédy Bilamba.
Comme un conte de fées, Rachel va tomber sur la providence : un casting pour le film Kinshasa kids de Marc-Henri Wajnberg. Elle crève l’écran, et lorsqu’un Canadien va l’engager pour son film, Kim Nguyen ne se doutera pas que la petite fille de Mbuji-Mavi va triompher à la Berlinale puis à Toronto et Montréal, et même fouler le prestigieux tapis rouge des Oscars.
Il faut dire que dans la peau de la sorcière Komona, la jeune fille qui a aujourd’hui 17 ans excelle. Son rôle de composition a d’ailleurs permis au film Rebelle d’être primé, ou à tout le moins, souligné dans les plus grands festivals.
« Tourné entièrement en République démocratique du Congo, Rebelle narre l’histoire d’une jeune enfant, Komona, qui se retrouve dans l’engrenage d’un commando d’enfants-soldats. Aux côtés d’un autre jeune garçon qu’on appelle Magicien (Serge Kanyinda, alias Eminen, dont ne parle pas assez), la petite Komona (Rachel Mwanza) va devenir l’atout principal du Grand Tigre Royal, chef suprême des rebelles. »
Publié chez Michalon Editeur, Survivre pour voir le jour, se lit avec bonheur comme un bon vin qui accompagne un plat de chef. Sauf que le témoignage est à la fois dur, émouvant et triste. Mais il est simplement la juste suite de ce fabuleux destin de Rachel Mwanza, sorcière dans la vie, comme à l’écran, mais à jamais résiliente qui a pardonné à tout le monde.
Future ambassadrice de l’UNESCO auprès des enfants de la rue, Rachel n’a pas fini son combat. Hier dans les faubourgs de Kinshasa, aujourd’hui dans les salles de classe de Montréal, demain qui sait ? L’avenir le dira.