Est-ce bientôt le Grand soir, celui qui montrerait que le cinéma américain regarde enfin son sombre passé les yeux dans les yeux? Le long métrage Esclave pendant douze ans pourrait entrer dans l’histoire du septième art, le 2 mars 2014, à Los Angeles, en devenant le premier long métrage sur l’esclavage des noirs aux États-Unis à remporter l’oscar du meilleur film.
Jusqu’à présent, seules des œuvres n’ayant abordé ce thème qu’indirectement (et parfois de manière critiquable) ont reçu ce prix, à commencer par le cultissime Autant en emporte le vent, en 1940.
Si le récit – tiré d’une histoire vraie – de l’enlèvement d’un musicien noir, né libre dans le Nord-Est des États-Unis, vendu à des esclavagistes du Sud, dans les années 1840 a conquis les critiques et le public, la lutte pour les statuettes s’annonce toutefois serrée.
Les films Gravité et Arnaque américaine, autres gros succès de l’année 2013, sont également donnés potentiellement vainqueurs par les experts hollywoodiens.
Nommé dans neuf catégories, Esclave pendant douze ans pourrait permettre une autre première : le Britannique Steve McQueen est en lice pour devenir le premier Noir à recevoir l’oscar du meilleur réalisateur. Là encore, cependant, rien n’est sûr. Lauréat aux derniers Golden Globes, Alfonso Cuarón (Gravité) demeure le favori.
Du côté des acteurs, la Kenyanne Lupita Nyong’o a des chances d’être récompensée dans la catégorie «meilleure actrice dans un rôle de soutien». Elle a récemment reçu un «Screen Actors Guild», prix décerné par les acteurs américains, pour son interprétation de jeune esclave violentée par son cruel maître blanc.
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=vkdD6kOHiZc[/youtube]
Le héros d’Esclave pendant douze ans, Chiwetel Ejiofor, a lui reçu le BAFTA, l’équivalent des Oscars en Grande-Bretagne, le 16 février dernier pour son rôle. Mais en terre américaine, il aura fort à faire, dans l’Oscar du meilleur acteur, face à Leonardo DiCaprio (Le loup de Wall Street) et Matthew McConaughey (Dallas Buyers Club).
Les messieurs mieux servis que les dames
Si le Nigérian d’origine Chiwetel Ejiofor remportait la récompense tant convoitée, il confirmerait un succès impressionnant des acteurs noirs, depuis une dizaine d’années, dans cette catégorie.
En recevant, en 2002, l’Oscar du meilleur acteur pour Training Day, Denzel Washington (déjà récompensé dans la catégorie meilleur acteur de soutien en 1990 pour Glory) avait mis fin à une disette qui remontait à 1964, quand Sidney Poitier était devenu le premier noir à remporter le même prix pour Lilies of the Field.
Les victoires de Jamie Fox (en 2004) et Forest Whitaker (en 2006) ont ensuite confirmé que quelque chose avait bel et bien changé.
Les dames aimeraient en dire autant. Il a fallu attendre 2002 (encore) pour qu’une Afro-américaine soit sacrée meilleure actrice. L’émotion de Halle Berry, primée pour Monster’s Ball, est restée dans les annales.
Depuis, pourtant, les cérémonies se suivent ainsi que les échecs, tant pour Gabourey Sidibe (Precious) que pour Viola Davis (La couleur des sentiments). Leur partenaire dans chacun de ces deux films, Mon’Nique et Octavia Spencer, ont en revanche remporté l’oscar de la meilleure actrice de soutien. Cette catégorie a souvent souri à la communauté noire. Hattie McDaniel y avait été couronnée dès 1940, pour Autant en emporte le vent.
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=OHcVTIJda9E[/youtube]