Les couples qui planifient les naissances, pour être sûrs de pouvoir bien élever leur progéniture, rencontrent souvent, au Sud-Kivu à l’Est de la RD Congo, l’hostilité de leurs parents. Pour ces derniers, selon la religion et la coutume, l’enfant est une richesse alors, qu’aujourd’hui, elle est le plus souvent une charge.
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« Vous ne voulez plus avoir d’enfants. Vivre en vous regardant tout simplement est devenu votre credo au lieu de penser à l’avenir », lâche toujours le père de MB chaque fois qu’il le voit, surtout le soir, en train de se promener avec sa bien-aimée. Il y a trois ans, MB a décidé de ne pas avoir un troisième enfant. Une décision qui écœure ses parents. Mais il est sûr de lui-même. « L’homme est le boulanger de sa vie, dit-on. Je ne peux pas m’évertuer à avoir des enfants alors que je n’ai pas d’emploi », explique, MB, fier de lui.
Des couples qui planifient ainsi les naissances rencontrent, de plus en plus ces dernières années, au Sud-Kivu, l’hostilité de leurs parents et de membres de leur famille. P. Mushombe en a aussi payé le frais.
« Quand mon père a appris que ma femme reçoit des injections pour empêcher l’ovulation, il a tonné sur nous, estimant que c’est un grave péché », raconte-t-il. Pour ce trentenaire, déjà père de six enfants, son père doit comprendre qu’il en va de l’intérêt de ses enfants ainsi que de sa femme.
« Je ne peux pas fonder l’avenir de mes enfants sur ces petits contrats de travail aléatoires de six mois ou une année, estime-t-il. Acculer ainsi une femme avec des grossesses affaiblit sa santé, essentiellement la mienne qui souvent accouche par césarienne », tente-t-il de se justifier, sans pour autant convaincre ses parents.
Toutefois jusque-là, ceux qui pratiquent le planning familial, à majorité des intellectuels, ne sont pas nombreux. « Il faut encore d’énormes sensibilisations », décrie P. Mushombe.
Pesanteurs religieuses et coutumières
Convaincus par les Eglises que l’homme doit être fécond et remplir la terre (Genèse 1 :28, Ndlr), la plupart de ces parents trouvent injustes d’empêcher des enfants de naître. Pour eux, inutiles de se demander comment les enfants seront nourris.
« Tout enfant vient de Dieu et quand le seigneur donne, il donne aussi à l’enfant de quoi manger et se vêtir », explique un homme de Dieu, à Nyamianda, l’un de 14 quartiers d’Uvira. « La famine, personne n’en meurt. Si l’enfant peut manger chez sa sœur, son oncle, bref, ses familiers, tout ira mieux, se convainc K. Antoinette, agricultrice et mère de sept enfants. Arrêter de procréer pendant un temps est une histoire fomentée par les Blancs pour que les Noirs ne soient pas nombreux. » Arguments religieux et culturels en accord avec des nombreuses coutumes au Sud-Kivu.
Mais Godelive Lugambo, responsable de la coalition Wamama amkeni (Femmes, réveillez-vous), une association de défense des droits des femmes d’Uvira, nuance. « A l’époque, de nombreuses familles vivaient de l’agriculture très productive. Ce qui n’est plus le cas. A cela s’ajoutait la solidarité entre familiers, maintenant, les conditions de vie sont tellement serrées que rares sont ceux qui encore peuvent prendre en charge un enfant qui n’est pas sien ».
Pour cette femme leader, incapables de programmer leur vie, des familles sont responsables du malheur de leurs enfants (recrudescence du nombre d’enfants dans la rue, Ndlr) et non l’Etat comme elles le pensent.
L’indice de fécondité reste élevé en RD Congo, même s’il a déjà baissé passant de 7,2 enfants par femme en 1995, à 6,3 en 2007 et à 4,95 en 2012. Le pays garde un taux de mortalité maternelle élevé – 670 morts sur 100 000 naissances en 2008.
Des méthodes contraceptives souples
Dans des réunions, des femmes sensibilisées à ce sujet par Wamama Amkeni, évoquent d’autres raisons au rejet du planning familial : ces méthodes contraceptives (pilules, stérilet, respect de calendrier menstruel…) causeraient, selon elles, des saignements, et même le cancer, disent-elles. Ce qui est faux.
Des couples les utilisent cependant sans crainte. Un médecin-stagiaire en gynécologie à l’hôpital général provincial de référence de Bukavu explique : « Des statistiques démontrent effectivement que des couples commencent à pratiquer cela malgré le refus de leurs géniteurs. Et quand certains ont trouvé des moyens, ils recommencent à procréer. D’autres par contre optent carrément pour la ligature des trompes quand ils ont eu assez d’enfants (6 minimum).
Cela requiert un accord écrit du couple pour nous protéger ainsi de la rigueur de la loi en cas de contestations ». Des avancées qui ne convainquent pas des grands parents encore sceptiques. « Ils doivent donc comprendre que l’enfant est une charge et non une richesse. Il faut l’avoir quand on veut bien afin de lui assurer des lendemains meilleurs », conseille, Rachid Ndahotuli, infirmier de Kabimba, près d’Uvira.
Par Trésor Makunya Muhindo