Dans son roman L’ablation, publié dans la collection blanche de Gallimard, l’auteur franco-marocain Tahar Ben Jelloun fait une incursion assumée dans l’univers d’une prostate qui s’en vouloir s’en prend à l’existence d’un homme qui aime croquer dans la vie.
L’histoire est celle d’un mathématicien que la vie a comblé avec une carrière de chercheur, des enfants (parfois ingrats), une épouse (qui l’a beaucoup aimé) et plein de maîtresses (qu’il a adoré combler). Tout roule donc pour ce monsieur. Sauf qu’il a un cancer, celui de la prostate.
Touché dans ce qu’il a de plus cher, le personnage principal de Tahar Ben Jelloun doit se faire enlever cette glande importante de l’appareil génital masculin.
« Cinq ans après la mort de ma femme, ma vie a pris un tournant. Mon corps soudain a changé. Son fonctionnement, son rythme, sa respiration. La modification s’est opérée de l’intérieur. Mon esprit aussi a été brutalement malmeneé par ce qui est arrivé. Pour une fois, pas de divorce entre le corps et l’esprit. Ils sont chez moi tous les deux en mauvais état, secoués, dérangés. Mon corps est à présent une pauvre chose tombé à terre et que l’esprit peine à relever. » Extrait du livre (page 16)
Aux lecteurs, l’auteur n’épargne aucun détail. On suit le patient dans les différentes phases de sa nouvelle vie. Les 16 étapes sont organisées en chapitre que l’écrivain s’amuse à décrire dans les moindres détails, à commencer par une définition : ablation, nf, action d’enlever entièrement ou partiellement un organe…
Le personnage explique également à sa façon le terme tumeur. « On vous parle de tumeur…et pour soi on fait un jeu de mots : tu meurs…On rit nerveusement »
En fait de mort, c’est surtout celle de la vie sexuelle/amoureuse du patient, dont il est question dans ce récit de quelque 128 pages soigneusement rédigé que tout homme (et même les femmes) devrait lire.
En quelques mots, Ben Jelloun résume le propos (page 16) : «Voilà : je ne bande plus». C’est dit!
Que reste-t-il après le sexe ? Une autre vie! Celle des couches, de l’urine, de la honte, mais aussi cette belle phrase : « Le temps sera mon ami, mon compagnon. Je serais clément avec lui. »