Lors des fêtes et des mariages, les chansons folkloriques de chaque communauté sont de plus en plus appréciées à Uvira au Sud Kivu. Retraçant les coutumes et donnant d’utiles conseils, elles raffermissent les liens entre les habitants.
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« Si tu veux voir ta piste de danse envahie par les invités à une fête, jeunes et vieux, joue les chansons folkloriques du Sud-Kivu, essentiellement celles d’Uvira », conseille désormais Bisengo qui travaille dans un studio musical dans le centre-ville d’Uvira au Sud Kivu.
Il est de plus en plus sollicité par des responsables des salles de fêtes pour agrémenter les cérémonies de mariage. Et là, ces musiques font la loi. « Des invités viennent même souvent nous chuchoter à l’oreille les musiques locales qu’ils aiment, a-t-il constaté ces derniers temps. J’ai même vendu, seulement en décembre, environ 25 CD, sans compter plusieurs centaines de chansons folkloriques que j’ai chargées dans des lap tops et cartes mémoires ». En 2011, il n’en vendait que 4 par mois.
Un changement que beaucoup attribuent aux messages véhiculés par ces chansons. « Elles prêchent la cohabitation pacifique des tribus dans cette région, rappellent les cultures des communautés, les us et coutumes mal connus de ceux qui grandissent en ville. Elles donnent aussi des conseils aux nouveaux mariés ainsi qu’aux belles familles pour des lendemains meilleurs du couple ». Cela leur vaut un sacré succès.
Danser local
Une bonne affaire pour les musiciens locaux. « En 2013, nous avions un album de 10 titres joués presque tous dans des fêtes et studios. Cela nous fait gagner un peu d’argent », se félicite Théophile Maisha, président d’un groupe musical de la tribu fuliru, discret sur le montant du gain. Son groupe est aussi invité régulièrement pour agrémenter fêtes de mariage, d’anniversaire, karaoké, ou se produire en concert lors des rassemblements des communautés.
Kipanga Kikukama, responsable, à Uvira, du service de culture et art, s’en réjouit. « Je constate que chaque communauté a un orchestre folklorique qui véhicule sa culture et son histoire. Ils produisent des chansons qui contribuent à l’éducation morale et l’enseignement de nos proverbes et évènements ancestraux. »
Dans des fêtes, on joue les chansons folkloriques des diverses tribus. C’est ainsi que dans une fête d’un fuliru ou vira, les chansons folkloriques phares des Bashi comme Mwana wa mashamuka (l’enfant grandit) ou Kabibi (jeune fille), sont appréciées par les invités de n’importe quelle tribu. Lors de son mariage avec Mireille, fin novembre 2013, Jean-Claude Mulemera de 28 ans se souvient d’avoir dansé des chansons Vira, Lega, Bembe jusqu’à avoir le souffle coupé avec ses invités. « C’est une joie quand nous les dansons car tout ce qui y est dit, des conseils aux couples essentiellement, est bien compris et contextualisé », affirme-t-il.
Les musiques étrangères, la plupart du temps interprétées en français, en anglais ou en indien, jusqu’ici à la mode, sont peu comprises par les populations locales. « A cela s’ajoute l’habillement peu dans les images, des danses obscènes et l’atteinte aux bonnes mœurs auxquelles nous demeurons attachés », blâme Zacharie Abamungu, habitant d’Uvira.
Depuis deux ans, ces musiques jusqu’alors inconnues sont souvent balancées dans les médias locaux. Cinq des six radios d’Uvira, accordent des espaces aux différentes mutualités. Chaque communauté en profite pour jouer ses musiques. Selon Mazambi Irato, présentateur d’une émission de Banyindu, une tribu du Kivu, elles sont toujours liées au thème du jour.
Par Pierre Kilele