Sa chanson Beautiful Tango l’avait propulsé sous les feux des projecteurs. Son album Handmade avait confirmé son talent indéniable. Cinq ans après, Hindi Zahra revient sur la pointe des pieds, pleine de sables, mais avec un nouvel album dans les bagages, Homeland, promis d’ores et déjà à un bel avenir.
Homeland correspond à ce genre de projet qu’on a envie de réaliser depuis longtemps, mais qui prend beaucoup de recul et d’expérience.
Après près de 400 spectacles sur les quatre continents et plus 150 000 albums vendus, la Native de Khouribga, au sud du Maroc, avait envie de se retrouver.
«La richesse du voyageur, c’est son expérience» – Hindi Zahra
Enregistré en Espagne, à Paris et surtout au Maroc, ce nouvel opus ressemble beaucoup à la multi-instrumentiste. D’abord par sa fraîcheur, sa capacité à faire voyager et, par le fait même, à faire découvrir plusieurs horizons différents, notamment les siennes puisqu’elle partage des racines nomades.
De Paris où elle répond aux questions de Touki Montréal, la chanteuse rappelle que son père, militaire, est aussi touareg, puisqu’issu d’une tribu nomade de Mauritanie, pays carrefour entre le Maghreb et l’Afrique sub-saharienne.
En arabe ou en berbère, mais aussi en anglais puis en français, les chansons de Zahra (Hindi est son nom de famille) témoignent de cette volonté de ne pas se laisser définir par les autres.
Les titres Any story et Un Jour sont sans contredit de véritables coups de coeur. Surtout le dernier cité, le seul en français, d’une puissance décoiffante : « Vous l’étranger vous l’inconnu vous avez laissé sous ma plume des mots amers, des mots perdus, des mots d’une tristesse absolue. À vos lèvres défendues je vous ai connu».
Sur l’album, les mélomanes et les connaisseurs reconnaîtront la touche marocaine aux percussions (Rhani Krija), le doigté espagnol à la guitare (Juan F. Panki). Les plus avertis décèleront aussi le talent du Brésilien Ze Luis Nasciento ou le savoir-faire de Bombino, ce guitariste touareg nigérien qui fait d’une puissante guitare électrique un vulgaire instrument.
Pour Zahra, Omar « Bombino » Moctar était le mieux placé pour l’accompagner sur la pièce d’entrée de son album, To the Forces, mais aussi dans ce voyage-pèlerinage. Il est un peu le reflet d’une certaine universalité et de la culture miroir qu’on retrouve dans les sociétés nomades, comme chez les gitans ou les Touaregs notamment, assure-t-elle.
« Le silence, c’est le lieu où on accueille l’inspiration », dit celle qui est restée pendant plus d’un an toute seule dans un riad de la médina, à Marrakech.
Il y a donc par moment un silence qui s’impose, comme l’illustre d’ailleurs si justement le titre Silence.
Hindi Zahra est fière de dire que la composition et l’écriture de son deuxième opus ont été faites en Afrique, précisément dans le royaume chérifien. « Marrakech, c’est la première grande porte de l’Afrique, la terre de Dieu», souligne-t-elle.
Et cette ville l’a permise de se consacrer tranquillement et totalement à son album. De l’inspiration, il est évident que Zahra en a eu pour son album. Entre blues, folk, bossa-nova et rock, certains finiront même par en perdre leur latin. Mais la poésie que dégage cet album est contagieuse et renvoi à la terre, celle-là où tous les humains ont leur place, et ce, peu importe leur origine, leur sexe, ou encore leur classe sociale.
Il y a aussi cet hommage au Cap-Vert (Capo Verde), ce pays qui a vu naître la grande Cesaria Évora, titre sur lequel Hindi chante en amazigh et en anglais avec un « clavier très hypnotique» sur des rythmes cap-verdiens, accompagé par une guitare genre chaâbi, brefs hybrides et résultants de mélanges de la nature. « Ce sont des rythmes qui m’ont obsédé », confie-t-elle.
Avec son premier album, Handmade, elle avait décroché le Prix Constantin et une Victoire de la musique. Il y a de forte chance que Homeland lui rapporte d’autres distinctions puisque malgré le temps, Hindi n’a rien perdu de sa superbe. Bien au contraire, son vécu de voyageuse l’a façonné.
Un constat s’impose: la majorité des morceaux s’accompagnent facilement d’un peu de soleil et d’une sangria, à l’ombre sur une plage ou dans la cour arrière d’une banlieue où le gazon est roi. Il y a également beaucoup de chaleur, comme au Maroc, ou l’essentiel de l’album a été pensé.
«L’Afrique a dessiné l’imagination futuriste.»
Il y a toutefois autre chose qui nourrit son esprit, notamment l’envie de savoir et d’en apprendre plus. En discutant avec elle, on se rend vite compte d’une réelle fascination pour son continent. « L’Afrique transforme toutes les époques, dit-elle. L’Afrique a dessiné l’imagination futuriste. » Elle donne en exemple le statut de la femme africaine qui dans bien des tribus n’avait rien à envier à celui des femmes les plus modernes de nos jours.
Du Québec, la Marocaine garde de très bons souvenirs. Elle se rappelle notamment d’avoir « vibré avec les gens » et d’un « public très réactif ». C’est d’ailleurs pour elle la « meilleure drogue » pour un artiste. Heureuse coïncidence, Hindi Zahra fera un crochet à Montréal, au mois de juillet, dans le cadre du Festival international de Jazz de Montréal. Elle était déjà venue dans la métropole en 2011 (au Théâtre Corona) ainsi qu’en 2010, dans le cadre de Nuits d’Afrique.
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