Ah, si davantage de ballets pouvaient être comme celui-ci, festif, sensuel et électrisant. Faire du «Lac des cygnes» un spectacle quasi subversif n’allait pas de soi. Pourtant, la chorégraphe sud-africaine Dada Masilo a relevé le défi, ainsi que les spectateurs du théâtre Wilfried-Pelletier, à Montréal, ont pu le constater, les 14, 15 et 16 janvier.
La célèbre œuvre de Tchaikovsky, classique par excellence dans l’histoire de la danse, raconte toujours les amours du prince Siegfried, mais les codes ont changé: le héros est noir est homosexuel.
Si ses parents – blancs, figures de l’autorité et de la domination – veulent le forcer à se marier à Odette (Dada Masilo elle-même interprète ce cygne blanc), lui n’a d’yeux que pour un sculptural cygne noir. De quoi déplaire fortement à son entourage.
Le corps, sous toutes ses formes, est mis en avant. Les hommes sont torse nu, vêtus souvent d’un simple tutu blanc, mélange des genres réussi.
Les pas de danse classiques sont parfois présents, mais les déhanchements qu’on retrouve en Afrique priment, un choix aussi audacieux que judicieux. On aime en effet voir ces danseuses se trémousser de manière anachronique alors que résonne la musique du compositeur russe.
En optant pour un spectacle court – à peine plus d’une heure, Masilo permet à l’énergie de départ de ne jamais faiblir. Ce rythme laisse toutefois place à l’émotion lors de la dernière scène.
Le haut du corps dénudé, vêtus d’un bas noir, les femmes et les hommes, quelle que soit leur sexualité, se rejoignent dans une danse de la mort qui raconte l’épidémie du sida qui frappe durement l’Afrique du Sud si chère à la chorégraphe.
Ce n’est pas la première fois que cette dernière cherche à dépoussiérer des classiques. La native de Soweto en a fait de même avec «Carmen», «Macbeth» et «Roméo et Juliette».
Elle rêverait désormais de renouveler «Le Sacre du printemps». Vu le résultat pour le «Lac des cygnes», on espère que ce souhait se réalisera.
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