En république du Congo, précisément à Dolisie, dans le département du Niari, , la veuve Patricia Moukoko revend des plantes médicinales au marché. Elle subvient ainsi à ses besoins et à ceux de ses enfants.
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Des racines. Des écorces. Des feuilles comme loukaya lua lota (en langue lari, « feuille qui guérit les dartres », petites plaques sur la peau). Des colas (stimulants tirant leurs propriétés de la caféine)…
Au marché du quartier Gaïa dans le 2ème arrondissement de Dolisie (Niari), sur l’étalage ou plutôt l »herbo-pharmacie’ de Patricia Moukoko, les plantes médicinales sont variées. Dans la quarantaine, cette veuve assume courageusement seule la charge de ses trois enfants depuis 1999.
Les plantes qu’elle vend soigneraient des maux aussi divers que le paludisme, les hémorroïdes, la faiblesse sexuelle, les fractures, etc.
Mais, c’est par nécessité que Patricia s’est lancée dans cette activité : « Après le décès de mon mari, abandonnée par ma belle-famille, j’ai été obligée d’entreprendre quelque chose afin de faire face aux besoins de mes enfants. Avec un maigre capital, j’ai commencé à acheter quelques plantes pour les revendre. »
Les débuts n’ont pas été trop compliqués, car Patricia n’était pas débutante dans le métier : « J’ai suivi l’exemple de ma mère, qui, elle aussi, vendait des plantes médicinales. Petite, je l’aidais à vendre des colas et le boganda (whisky local, obtenu par distillation d’un mélange fermenté de farine de manioc et de maïs, Ndlr). »
Ses plantes, Patricia les achète elle-même auprès de fournisseurs qui reviennent de la forêt du Mayombe, dans certains villages comme Lefoutou (département de la Lékoumou) ou Moungoundou (département du Niari) : « Parfois, les fournisseurs viennent me les vendre ici, à Dolisie. J’achète le paquet de plantes à 500 Fcfa (0,75 €) et, en fin de journée, après revente, je me retrouve avec 10 000 à 30 000 Fcfa de bénéfices (15 à 45 €). »
Aucun effet indésirable ?
Une bonne affaire aussi pour les consommateurs, selon Jean Rosant Leciret, tradi-thérapeute : « Ceux qui vendent ces plantes nous aident beaucoup. Grâce à eux, nous pouvons les acheter ici, dans le marché, sans aller en brousse. »
Dieudonné Milandou, retraité de la boulangerie Sar de Dolisie, est devenu un client fidèle : « Quand je sens les manifestations du paludisme, je morcèle les racines de moutoubi ou ntienga (sarcocephalus latifolius ou rubiaceae, Ndlr) que je mélange avec de l’eau dans des bouteilles. Chaque jour, je consomme un verre. Voila pourquoi, mes enfants et moi, nous ne sommes jamais menacés par cette maladie. »
Serge Simplice Bignounguila, enseignant en sciences physiques dans un lycée de Dolisie, en est lui aussi persuadé, « au Congo, plusieurs médicaments traditionnels ont beaucoup de vertus thérapeutiques et ont déjà montré leur efficacité à traiter de nombreuses maladies. »
Ce n’est pas Gilbert Mouanda, le secrétaire général des Tradi-thérapeutes du Congo (association basée à Brazzaville, mais avec des représentants à Dolisie), qui dira le contraire… « Nos remèdes traditionnels sont utilisés depuis plus de trois générations. Par ailleurs, leur consommation est dosée à base d’une cuillerée, un demi-verre, ou un verre. Il n’y a donc aucun effet indésirable. »
Edmond Sylvestre Miabagnana, chercheur à l’Institut national de recherche en sciences exactes et naturelles de Brazzaville, nuance : « Pour que les résultats soient concluants, quand on coupe une plante pour bénéficier de sa substance médicinale, on doit d’abord connaitre l’étape de son cycle qui convient (floraison, germination, etc.).
Attention aussi à l’administration de ces tisanes qui pose un problème de mode d’emploi et de dosage, la posologie n’étant pas scientifiquement déterminée. A la longue, ces médicaments peuvent ainsi provoquer des effets indésirables (vomissements, maux de tête ou de ventre, etc.). »
Nécessité oblige, au-delà de ces observations contradictoires des pratiquants de la médecine traditionnelle et moderne, Patricia continue d’exercer ses activités rentables : « Grâce à ce commerce, je participe aux ristournes. Ces dernières m’ont permis d’acheter une parcelle. Il ne me reste plus qu’à y construire. » L’indépendance : une vertu insoupçonnée des plantes médicinales…
Par Max Ferhynel Poudi