L’été 2016 sera celui des retrouvailles entre Daby Touré et son public montréalais. Deux fois plutôt qu’une, puisque le chanteur sera en spectacle au Festival international de Jazz de Montréal (29 juin), puis en salle au Festival international Nuits d’Afrique (20 juillet). De sa relation avec Montréal, au repli identitaire, c’est sans tabou que Daby Touré s’est confié à Touki Montréal.
La journée était déjà bien avancée en Hexagone lorsque le chanteur et guitariste a répondu à notre coup de téléphone. L’entrevue ne devait durer que quelques minutes. Puis finalement, le courant a passé.
« Elle est particulière ma relation avec Montréal. C’est quelque chose d’assez incroyable», explique Daby Touré, se remémorant sa première visite dans la métropole.
«C’est une histoire qui a commencé en 1998 avec des Montréalais qui m’avaient invité pour faire des concerts partout au Canada; ce que j’avais fait avec plaisir avec mon cousin Omar [À l’époque, Daby et son cousin forment le Touré Touré]. Depuis ça n’a pas arrêté», se souvient-il.
Polyglotte, il parle wolof, pular, anglais, soninké, français et arabe mauritanien. «Mon grand-père a quitté le Mali, il s’est retrouvé au Sénégal. Mon père a quitté le Sénégal, il s’est retrouvé en Mauritanie. Moi je me suis ensuite retrouvé en France. » Bref le brassage culturel, c’est un peu sa tasse de thé.
« C’est un pays qui a des principes, des valeurs et qui a une ouverture. Je ne dis pas que c’est un pays parfait […] mais c’est un pays qui est plus ouvert», souligne-t-il encore.
L’auteur donne en exemple «cette façon (canadienne) de montrer que les gens peuvent être différents, mais que dans la majorité, ils arrivent à vivre ensemble. Il n’y a pas cette forme de violence qu’on peut connaitre par exemple quand on est issue de la diversité en France. »
Musicien, il apprécie également la générosité des spectateurs québécois. « C’est un public assez particulier par rapport à tous ceux que je connais », mentionne-t-il.
Au Jazz et à Nuits d’Afrique, il proposera son dernier album Amonafi, sorti sous l’étiquette indépendante Cumbancha qui lui laisse une « totale liberté ».
«[Cet album], je l’ai fait très sereinement», confie-t-il à propos de cet opus sorti en 2015 et classé dans les cinq meilleurs albums de l’année de Touki Montréal.
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Daby Touré planche déjà sur son prochain album. «Plus brute, plus simple», il sera fait dans la région de Montréal. « Je pense que ça va surprendre beaucoup de gens parce que c’est le genre de truc qu’on n’a pas entendu souvent, lâche-t-il. Je vais aller plus loin […] Je suis super excité et très content.»
De la musique que jouaient son père Seta et ses oncles avec le World Music Touré Kunda à la sienne, Daby Touré retient comme héritage…le brassage culturel dans lequel il a toujours baigné.
Résultat, il n’avait pas le choix d’apprendre et de s ’adapter. « Au bout d’un moment, vous apprenez que vous n’êtes plus le centre de quoi que ce soit, souligne-t-il. C’est une chance d’avoir autant de culture, même si c’était pour moi une expérience douloureuse en tant qu’enfant. »
« Aller vers les autres, comprendre et ne jamais se placer dans la position de tout savoir » sont pour lui les éléments qui font la richesse d’un homme et par ricocher d’un peuple.
Par ailleurs, il est extrêmement critique de la résurgence du repli nationaliste en Europe, particulièrement en France.
Cette question sociale, Daby Touré avoue sans détour qu’elle ne peut qu’affecter sa créativité et s’interroge beaucoup sur son avenir. « On ne peut pas faire de mélodie quand on est entouré de gens négatifs. On ne peut pas avoir de l’espoir quand on est entouré de néant », lâche-t-il.
« Je suis atterré, triste, déchiré dans mon cœur, poursuit-il. J’ai honte pour son histoire, pour ces descendants-là qui n’ont pas l’air de comprendre comment ce pays s’est fait, quelle est son histoire réelle et sa part de responsabilité sur l’Afrique et sur le reste du monde. »
Il déplore la situation actuelle en France qui fait en sorte qu’il est impossible de discuter. « Quand vous commencez à discuter, on vous insulte pratiquement, explique-t-il. En France, il n’y a pas de dialogue possible. C’est la faute de tout le monde. C’est la faute des hommes politiques, des arabes, des noirs, mais c’est jamais la faute du citoyen lambda. Ce n’est jamais une remise en question de soi-même. »
Le natif de Mauritanie ne reconnait simplement plus le pays qu’il a connu.
Plus que révolté, il estime carrément que « c’est le gouffre total ce pays. Il y a un vrai problème. » « La France me fait vomir », lâche-t-il.
« Ce que je ressens là, c’est ce que ressentent la plupart des Africains et tous les étrangers. Ils ont plus leur place ici et on leur fait comprendre çà tous les jours », poursuit-il
«J’espère pour les Français et pour les Européens qu’ils vont vite se rattraper parce que c’est juste une honte totale », ajoute toutefois Daby Touré.