Dans son long métrage «Moi, Nojoom, 10 ans, divorcée», adapté du roman du même nom et présenté dans le cadre du Festival du Nouveau Cinéma (FNC), la réalisatrice yéménite Khadija Al-Salami s’attaque de front à la problématique des mariages forcés des jeunes filles mineures dans son pays natal.
La cinéaste, qui vit désormais en France, a décidé de transposer sur grand écran l’histoire vraie de la petite Nojoud qui a été mariée de force, à l’âge de 10 ans, à un homme de 20 ans son aîné.
Battue et violée par son mari lors de sa nuit de noces (et les nuits suivantes sous la supervision de sa belle-mère), la fillette va réussir à prendre la fuite une première fois pour trouver refuge auprès de ses parents. «Ce n’est pas un étranger, c’est ton mari. Il a tous les droits sur toi», lui a alors martelé sa mère, alors qu’elle lui exposait tous les sévices dont elle avait été victime.
«Ce ne sont pas des sauvages»
Dans son film, Khadija Al-Salami évite tout manichéisme. Certes, elle expose d’une façon très dure l’atrocité et l’absurdité de la situation de Nojoud, qui doit se comporter en femme et en épouse alors qu’elle n’a que 10 ans. Mais elle prend bien soin de montrer les facteurs qui ont poussé les parents de la fillette, ou encore son mari et la mère de ce dernier, à faire ce qu’ils ont fait.
L’histoire de la réalisatrice du film est très similaire à celle de Nojoud. Mariée de force à l’âge de 11 ans, Khadija Al-Salami, a confié avoir vraiment détesté ses parents de l’avoir fait subir ça. « Je croyais qu’ils étaient des monstres. Avec l’âge et du recul, j’ai réfléchi et j’ai changé d’avis. En rencontrant d’autres pères qui ont forcé leurs filles à se marier, j’ai vu à quel point ces pauvres hommes n’avaient pas reçu d’éducation. Ce ne sont pas des sauvages», a-t-elle tenu à souligner lors d’une courte entrevue avec Touki Montréal.
Selon la réalisatrice, l’éducation est la clé pour changer la situation. Son film a clairement un but éducatif afin de sensibiliser les gens au Yémen, mais aussi ailleurs dans le monde. «[Le Yémen] est un pays pauvre, traditionnel et religieux, mais on peut clairement changer ça. Dans mon pays, notre principal ennemi est l’ignorance. Les hommes entretiennent ces traditions par pure ignorance. Si je m’en suis sortie, tout comme Nojoud d’ailleurs, c’est grâce à l’éducation», a-t-elle expliqué.
L’histoire de Nojoud n’est malheureusement pas exceptionnelle. Selon les chiffres de l’organisation Save The Children, chaque année, 15 millions de filles de moins de 15 ans sont mariées de force dans le monde. Au Yémen, une fille sur trois est mariée avant l’âge de 15 ans selon ceux de l’Unicef.
Bien qu’il souffre de longueurs et quelques maladresses, «Moi, Nojoom, 10 ans, divorcée» est un film dur mais nécessaire. Il retrace d’une façon très juste le parcours révoltant d’une fillette de 10 ans qui, grâce à sa force de caractère et l’aide d’un juge et d’une avocate, a pu changer le cours de son destin.
La performance de la jeune actrice Reham Mohammed, qui campe le rôle de Nojoud, est tout simplement exceptionnelle.
Le film a pris l’affiche cette semaine dans les cinémas du Québec. La réalisatrice Khadija Al-Salami a d’ailleurs enregistré l’émission «Tout le monde en parle», diffusé le dimanche 16 octobre 2016 sur les ondes de Radio-Canada. Le film est actuellement à l’affiche, et ce, depuis le 14 octobre.
La bande annonce du film:
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=fZNTZWA_YKc[/youtube]