Alors que l’auteure Imbolo Mbue sera de passage à Montréal à l’occasion du Festival littéraire Metropolis bleu le mois prochain, Touki Montréal vous présente sa critique de son roman-événement Voici venir les rêveurs, publié chez (Belfond.
En 2014, Voici venir les rêveurs, le premier manuscrit de l’auteure américano-camerounaise Imbolo Mbue, était acheté pour la coquette somme de 1 million $ par l’éditeur américain Randon House. Deux ans plus tard, le roman bénéficiait d’une sortie quasiment simultanée en France et aux États-Unis.
Dans ce livre tant attendu, Mbue relate l’histoire de Jende Jonga, un immigrant camerounais qui a quitté sa terre natale pour aller tenter sa chance aux États-Unis. L’homme espère goûter au rêve américain et avoir la fameuse carte verte qui lui permettra de rester sur le sol américain.
Après avoir été plongeur et chauffeur de taxi, le rêve de Jende semble à portée de main lorsqu’il décroche un poste de chauffeur particulier pour Clark Edwards, un riche cadre de Lehman Brothers. Un emploi bien payé qui lui permettra, il l’espère, de changer sa vie, lui qui est en situation irrégulière dans le pays.
La famille de Jende et celle de son nouvel employeur vont alors tisser des liens inattendus, pour le meilleur, et pour le pire. Surtout qu’une crise économique sans précédent se profile à l’horizon. Nous sommes en 2007.
C’est avec une minutie quasiment chirurgicale qu’Imbolo Mbue nous entraîne dans le quotidien de Jende, de sa femme Neni et celui de son employeur Clark Edwards et de sa famille.
Dès le premier chapitre, le lecteur craque pour la belle panoplie de personnages multidimensionnels aux caractères bien définis.
Jende et Neni ont les valeurs à la bonne place. Ils sont déterminés, obstinés, travailleurs… Toutefois, au fil du récit, ils se retrouvent au pied du mur et doivent faire des choix déchirants, quitte à emprunter des chemins un peu plus sombres…
À la manière d’une Chimamanda Ngozi Adichie qui avait conquis le public américain avec son excellent roman «Americanah», Imbolo Mbue traite dans «Voici venir les rêveurs» du rêve américain, des espoirs qu’il nourrit et des déceptions qu’il engendre.
Dans un roman efficace, elle aborde des thématiques telles que l’émigration, la pauvreté, l’identité, le racisme à l’égard des Africains, les classes sociales, la religion, la violence conjugale, l’homosexualité…
«C’est ma vie. J’ai voulu faire comprendre de quelle Amérique on rêve et les désillusions qu’on y éprouve. En migrant, j’ai appris ce que voulait dire être pauvre, immigrante, femme, noire, africaine, et avec un accent», a expliqué Imbolo Mbue dans une entrevue accordée dans l’hebdomadaire français «Le Point» en août dernier.
2007 est aussi l’année pendant laquelle un certain Barack Obama est devenu le candidat démocrate à la présidence des États-Unis, cristallisant l’espoir de millions d’Américains et d’immigrants comme Jende et Neni qui vont oser rêver d’un avenir meilleur.
Un vers du poète afro-américain Langston Hughes, qui a inspiré le titre du livre, dit: «Que l’Amérique soit le rêve dont ont rêvé les rêveurs.» Jende et Neni font partie de ces rêveurs, mais parfois, lorsqu’on se réveille, le rêve peut laisser un goût amer.
«Voici venir les rêveurs» (Belfond), Imbolo Mbue, 419 pages
Dans le cadre du Festival littéraire Metropolis bleu (24 au 30 avril), Imbolo Mbue recevra à Montréal le Prix Des mots pour changer (bourse de 5000$) pour son roman Voici venir les rêveurs.