Avec son rap organique, l’écrivain et auteur-compositeur franco-rwandais Gaël Faye a illuminé les Francos de Montréal.
Pour sa première fois au pays du froid, l’artiste a délivré, sur la scène de la salle intimiste de l’Astral, la plupart de ses textes, bien taillés et forts en symboles.
Gaël a fait le témoignage d’un rap sensé, réfléchi et rempli de métaphores accessibles à tous. Il est rare d’assister à un concert de rap et de pouvoir capter tous les mots chantés par l’artiste. Pourtant, comprendre tous ses dires, saisir leurs sens et leur poids, c’est tellement fort et efficace.
Cet exercice a été rendu possible grâce à son indéniable talent d’écriture. À son actif, un roman, Petit Pays, vendu et traduit dans plusieurs pays et surtout salué par la critique.
Ce pouvoir de la langue, l’auteur de poésies urbaines le manie à la perfection et l’utilise à bon escient pour transmettre des messages teintés de critiques sociétales et d’essais, portraits de nos sociétés égocentriques, névrosées et déshumanisées.
Ces textes sont portés par des instrumentales profondes et vibrantes que ses musiciens ont su extériorisé et diffusé avec puissance dans toute la salle de spectacle.
Le public était plus que respectueux à chacune de ses chansons, uniques, dépeignant des paysages, des états d’âme et des sentiments bien distincts.
Il faut dire qu’en concert, du Faye c’est mieux qu’un livre audio puisque c’est un vrai tableau peint avec des sonorités variées, vaguant entre le Hip Hop, l’afro, et l’expérimentale…
À travers sa musique, Gaël Faye est nettement authentique. Il transpire de multiples identités dans sa présentation. Malgré cette différence, il traduit des émotions que tous peuvent ressentir, même avec une histoire, un vécu complètement opposé au sien.
Le parolier est proche et accessible. D’une bonne humeur contagieuse, il n’a cessé d’arborer un grand sourire tout au long du concert. Il s’est même joint à la foule pour danser avec ses invités lors du titre Je pars.
«Le Canada est une destination qui m’était chère, et chanter ici me tient à cœur, car mon père était un peu fou dans sa jeunesse. Il avait fait un tour du monde à vélo et le Canada était le premier pays qu’il avait visité. Alors je lui dédie cette chanson ce soir, je suis très content d’être là», s’est-il exprimé avant d’entamer son titre Pili Pili sur un croissant au beurre.
Gaël Faye fait penser à plusieurs artistes. Un peu comme un rappeur hybride, il a le génie musical d’un Kanye West, la prose d’un Brel, le charisme d’un Booba dans sa plume, la poésie d’un Oxmo, la sérénité d’un Disiz, la révolte d’une Diam’s, la gestuelle d’un Stromae et la musicalité d’un orchestre symphonique tout entier.
«Je ne suis pas rappeur, juste un virevolteur de mon plein d’amertume » a-t-il annoncé dans son morceau A France. Mais cela est bien réducteur de la personne.