Deux ans après avoir remporté l’Oscar du meilleur film avec son magnifique Moonlight, Barry Jenkins a choisi d’adapter le roman Si Beale Street pouvait parler de James Baldwin, publié pour la première fois en 1974. Le réalisateur signe-t-il un autre grand film? La réponse est oui. Sans aucune hésitation.
Si Beale Street pouvait parler relate l’histoire de Tish, 19 ans, et de Fonny, 22 ans. Les deux tourtereaux, tous les deux Noirs, vivent sur un petit nuage. Très épris l’un de l’autre, le jeune couple, qui se connaît depuis l’enfance, envisage de se marier et d’emménager ensemble le plus rapidement possible.
«Es-tu prête pour ça?» demande Fonny à sa douce dans la première scène du film. «Je n’ai jamais été aussi prête de toute ma vie», lui répond-elle.
Tout semble donc aller pour le mieux dans le meilleur des mondes pour Tish et Fonny. Mais la foudre vient s’abattre sur le couple lorsque Fonny est accusé, à tort, d’avoir violé une jeune femme portoricaine et est jeté en prison. S’en suit alors une véritable course contre la montre pour prouver l’innocence du jeune homme. Une tâche difficile que leurs familles respectives tenteront de surmonter ensemble en se serrant les coudes (du moins, certains d’entre eux).
Une beauté qui saute aux yeux
La première chose qui saute aux yeux dès les premières images du film, c’est son incroyable beauté. Tant dans ses plans, ses décors, ses costumes, ses acteurs… Tout est beau dans le film de Barry Jenkins. Mais en dessous de cette beauté se cache l’un des plus grands maux qui gangrènent la société américaine: le racisme. Car l’arrestation de Fonny est un cas flagrant d’injustice basée sur la couleur de la peau du jeune homme.
En abordant le sujet du racisme et des préjudices qui y sont liés (brutalités policières, un système judiciaire et carcéral à plusieurs vitesses qui désavantage les personnes noires), Barry Jenkins signe un film on ne peut plus actuel, même si l’action se déroule dans le New York des années 1970. Arrestations aléatoires et brutales (voire fatales), accès inégal au logement, dignité bafouée… Les histoires d’injustices comme celle de Fonny et Tish ne sont pas rares chez nos voisins du sud dans cette ère post-Obama.
Un casting de premier choix
En plus d’être porté par un excellent scénario, Si Beale Street pouvait parler brille grâce à un casting de premier choix. L’interprétation du Torontois Stephan James (vu, entre autres, dans Selma et 10 secondes de liberté) est très juste dans le rôle Fonny, un jeune sculpteur rêveur et amoureux. La nouvelle venue Kiki Lane est elle aussi très convaincante. La jeune actrice américaine nous émeut aux larmes dans la peau de Tish, cette jeune fille ingénue et un peu naïve qui grandit et mûrit à vitesse grand V sous nos yeux.
Toutefois, les prestations les plus mémorables du long métrage de Barry Jenkins ne sont pas signées par ses acteurs principaux. Brian Tyree Henry, connu pour son rôle dans la série Atlanta de Donald Glover, fait une apparition assez brève, mais mémorable, dans le rôle Daniel, le meilleur ami de Fonny. La rencontre entre les deux amis va donner lieu à l’une des conversations les plus percutantes du film. «L’homme blanc, c’est le Diable», dit Daniel, alors qu’il raconte à son ami tout ce qu’il a dû subir en prison.
Regina King, quant à elle, crève l’écran en incarnant Sharon, la mère de Tish. L’actrice américaine (qui a obtenu plus tôt cette année un Golden Globe pour ce rôle) se glisse dans la peau de son personnage de façon magistrale.
Une partie-clé du film (le voyage à Porto Rico dont le but est d’aller à la recherche de la femme qui a accusé Fonny de viol) repose entièrement sur ses épaules. Et même si cette portion du film est quand même brève, elle est d’une puissance et d’une justesse inouïes.
Poétique et politique, Si Beale Street pouvait parler est un petit bijou à ne surtout pas rater.
La bande-annonce du film :