Et si un jour un dictateur se réveillait dans la peau d’un pauvre citoyen de son pays et se rendait compte de la misère totale dans laquelle vit tout le monde? C’est exactement l’histoire de la BD Le cauchemar d’Obi, publié par les éditions L’Harmattan BD grâce au dessin du courageux Jamonyqueso.
La Guinée Équatoriale, pays à la fois très riche grâce à la découverte du pétrole et assez pauvre, si on se fie à la situation de sa population, est dirigée de main de fer par Teodoro Obiang Nguema Mbasogo depuis 1979.
Ce dernier, qui ne lésine pas dans la dentelle pour assurer une vie de pacha à son fils et à sa famille, a renversé son oncle, le dictateur Francisco Macías Nguema, qui se faisait appeler le président «Miracle unique de la Guinée équatoriale».
Ce petit pays d’Afrique centrale, ancienne colonie espagnole, ne se retrouve qu’à de très rares occasions sur les feux des projecteurs sinon qu’en raison des frasques du petit prince Teoforin Nguema.
C’est dans cette atmosphère à la fois délétère et triste que plonge les scénaristes Chino et Tension ainsi que le dessinateur Ramon Esono Ebalé alias Jamon y Queso.
Notons que par peur de représailles, les deux premiers ont choisi de recourir à l’anonymat tandis que le dernier a dû affronter le courroux de ce régime que plusieurs n’hésitent pas à qualifier de despotique, au mieux.
Une de ces banales nuits dans la vie d’un homme politique après une journée à « diriger » le pays, à assouvir les fantasmes de sa famille et de son surmoi narcissique, non sans plonger dans la luxure de la chaire, le premier Homme du pays va donc se réveiller dans le peau d’un simple citoyen.
«Il découvre alors la rudesse de son pays, asphyxié par la corruption, le manque de liberté d’expression, d’accès aux soins ou à un système éducatif basique.»
Exit le château, les multiples comptes en banque, les maîtresses et le pouvoir. Il n’est plus qu’Obi, triste homme qui doit composer avec la réalité d’une nation privée de tout. La finale de l’œuvre qui regroupe d’autres despotes est aussi jouissive que délirante.
Pour cette œuvre, Jamonyqueso s’est vu décerner le prix Couilles au Cul du Festival de la BD d’Angoulême, «qui récompense les auteurs qui en ont et qui les portent».
Et pour cause, lors d’un retour en Guinée Équatoriale pour un renouvellement de passeport (alors qu’il vivait avec sa famille au Salvador), il s’est fait arrêter par la police. ll est demeuré près de 6 mois dans la prison de Black Beach, le « Guantanamo Guinéen ». Incarcéré en septembre 2017, il a finalement été libéré en mars 2018 et assigné à résidence jusqu’en janvier 2019.