Pierre Assouline livre avec autodérision sa quête d’identité à travers le pays de ses ancêtres dans son récent Retour à Séfarad. L’auteur d’origine marocaine mélange humour et faits historiques pour raconter ses démarches afin de retrouver la nationalité espagnole perdue depuis plus de cinq siècles par ceux qui l’ont précédé.
La genèse de cette aventure est l’expulsion des Séfarades, une communauté juive d’Espagne, par le roi Ferdinand d’Aragon en 1492, un événement qualifié de « Shoah des Séfarades » par l’auteur.
Voilà que cinq cent ans plus tard, en 2015, le roi Felipe VI tend la main aux descendants de ces exilés, leur offrant la possibilité de redevenir citoyen espagnol et du coup, réparer une erreur historique.
Et Pierre Assouline le prend au mot, en décidant de se lancer dans une aventure presque chevaleresque au pays de don Quichotte.
Ne reculant devant rien, l’auteur s’embarque dans un lourd labyrinthe administratif, rappelant la maison des fous dans Les 12 travaux d’Astérix, et écrit le récit de son voyage sur la terre de ses ancêtres où s’alternent réflexions personnelles, faits historiques et rencontres avec des citoyens marquants.
« “Comme vous nous avez manqué !” Ces mots-là, si intimes, personnels, poignants et fervents, je les ai pris pour moi à l’instant même où il les a prononcés », écrit Assouline, exprimant ainsi ce qui a attisé son désir de retourner sur la terre de ses ancêtres.
Rapidement, les faits historiques entourant les Séfarades laissent place à la vraie quête de l’auteur dans ce qui deviendra un roman autobiographique : celle de comprendre qui il est en découvrant ses origines.
Pour préparer son dossier, l’auteur doit rassembler une tonne de documents, témoigner de son attachement à l’Espagne, réussir une épreuve de langue et prouver ses racines séfarades. Tout cela n’est pas si simple et ne se fait pas sans embûche. En s’arrachant (un peu) les cheveux de sur sa tête, Assouline plonge dans les démarches en utilisant l’humour pour dédramatiser le tout.
Autre part, afin de comprendre lui-même son lien affectif avec l’Espagne, le romancier se rend en tant que touriste sur la terre de ses ancêtres. Là-bas, Assouline participera à des événements et dîners mondains tout en visitant des salons et cafés locaux.
À travers son voyage, on en apprend un peu plus sur l’écrivain d’expérience, par exemple qu’il a justement perdu son frère dans un accident de la route en Espagne en 1969.
Le lecteur plonge dans l’écriture magnifiquement ficelée du romancier pour en apprendre plus sur cet événement historique et la vie de Pierre Assouline.
Même si les faits peuvent paraître complexes, tout est raconté avec facilité et humour, ajoutant de la légèreté au récit.
Le voyage de Pierre Assouline en Espagne nous fait découvrir ce pays via les témoignages des gens rencontrés et les références à des œuvres et artistes modernes (par exemple Pedro Almodovar). À lire sans hésitation.
Un extrait du livre :
« Mon histoire sera celle d’un pérégrin, un homme qui marche, pas à pas, en s’obligeant à ne pas comprendre pour être mieux surpris, moins par l’événement que pas son ombre portée. Un seul pays suffira à mon Grand Tour et ce pays sera l’Espagne. Je crains de ne pas le reconnaître. Dans quel état vais-je le retrouver ? Il a dû s’en passer des choses depuis le 31 juillet 1492. »