La sixième édition du Festival cinéma du monde de Sherbrooke vient de se clore. La très belle programmation nous a fait vibrer, rire et mis la larme à l’oeil. Voici notre sélection.
Wallay (2017) : un récit initiatique classique, mais efficace
L’histoire : Ady, un jeune métis franco-burkinabé de 13 ans, vit dans une banlieue, en France, avec son père. Ce dernier ne sait plus comment s’y prendre avec son fils turbulent et tête brûlée qui glisse doucement sur la pente de la délinquance.
Poussé à bout, le père d’Ady décide d’envoyer son fils au Burkina Faso, sous la supervision de son oncle Mamadou, un homme sévère qui compte bien apprendre au jeune garçon comment devenir un homme responsable.
Notre critique : Wallay est un récit initiatique très classique dans sa forme. Le long métrage de 84 minutes, réalisé par le documentariste Berni Goldblat, aborde des sujets chers à ce genre : la quête de soi, le passage de l’enfance à l’âge adulte, les premiers émois amoureux (de façon très brève, ceci dit)…
Mais Wallay est avant tout un film qui montre avec justesse et sincérité le choc des cultures. Parce qu’Ady est un jeune français qui ne sait rien du Burkina Faso, le pays de son père. Il apprendra à connaître sa famille qu’il n’a jamais connue, à renouer avec ses racines, à apprivoiser une culture qui n’est pas la sienne. Il nouera des liens très forts, même avec des personnes qui ne parlent pas la même langue que lui.
Drôle, touchant et sans prétention, Wallay est un film qui ne tombe jamais dans le misérabilisme et dans l’exotisme à outrance. Le tout sonne vrai. Petite mention spéciale pour le jeune acteur Makan Nathan Diarra qui insuffle une bonne dose de fraîcheur et de spontanéité à son personnage d’Ady.
Un vrai coup de coeur, autant pour les acteurs que pour les images de paysages qui sont à couper le souffle.
Notre note : 8/10
La bande-annonce du film :
Gurrumul (2017) : Un documentaire essentiel sur l’une des plus grandes voix d’Australie
L’histoire : Geoffrey Gurrumul Yunupingu, connu tout simplement sous le nom de Gurrumul, était un chanteur australien aborigène, décédé en 2017 à l’âge de 46 ans. Aveugle de naissance, Gurrumul connaît la notoriété dans son pays en 2008 à la sortie de son premier album solo.
La même année, il remporte le prix ARIA, la plus prestigieuse récompense en musique en Australie, du meilleur album indépendant pour son disque. C’est ainsi que débute l’aventure de celui qui est désormais présenté comme étant l’une des voix les plus importantes d’Australie.
Notre critique : Le documentaire de 96 minutes du réalisateur Paul Damien Williams rend un très bel hommage au talentueux musicien qu’était Gurrumul. Ce dernier s’exprimait dans sa musique en langue Gumatj, compris par seulement 3 000 personnes. Sa voix profonde et son habileté à jouer de plusieurs instruments en faisaient un génie musical.
Timide, Gurrumul s’exprimait peu. Au début du documentaire, le spectateur assiste à une scène plutôt gênante lorsqu’une journaliste de la chaîne australienne ABC pose plusieurs questions au musicien, sans obtenir une seule réponse de sa part.
Cette séquence reflète bien le côté taciturne et antisystème de l’artiste aborigène. Mais plus le film documentaire avance, plus le spectateur apprend à connaître Gurrumul. On découvre à quoi ressemblait son enfance, le lien étroit qu’il entretenait avec sa famille et ses racines Yolgnu…
Ponctué d’images de prestations scéniques et de magnifiques pièces interprétées par l’artiste australien, Gurrumul est un film poignant qui vous fera verser quelques larmes et qui vous donnera envie de découvrir (ou redécouvrir) la musique folk acoustique de cette très grande voix de la musique en Australie.
On a aimé. Beaucoup.
Notre note : 9/10
La bande-annonce du film :
Sofia (2018) : Un portrait complexe de la société marocaine contemporaine
L’histoire : Sofia, une jeune fille réservée de 20 ans, vit avec ses parents à Casablanca. Lors d’un déjeuner familial, elle se plaint de maux de ventre auprès de sa cousine Lena, qui étudie en médecine. C’est alors que Sofia découvre qu’elle est enceinte. Elle a fait ce qu’on appelle un déni de grossesse. Quelques instants plus tard, elle perd les eaux et est sur le point d’accoucher.
À l’hôpital, on refuse de la prendre en charge en l’absence du père de l’enfant. Après y avoir accouché clandestinement avec l’aide de Lena, la jeune femme a 24 heures pour fournir les papiers du père du nouveau-né, sous peine de se faire arrêter par les autorités. Les relations sexuelles hors mariage étant passibles de prison au Maroc.
Notre critique : Pour un premier essai, on peut dire que Meryem Benm’Barek frappe très fort. Primée l’année dernière au Festival de Cannes dans la sélection Un certain regard et au Festival d’Angoulême pour son scénario, la jeune réalisatrice marocaine maîtrise son sujet et signe un film bouleversant.
Meryem Benm’Barek arrive à dresser le portrait d’une société marocaine remplie de contradictions, coincée entre tradition et modernité. La scène de la rencontre entre la famille de Sofia et celle du jeune homme qui l’a mise enceinte est particulièrement forte.
On y voit deux Maroc, deux familles issues de deux classes sociales différentes, qui sont réunies pour une seule chose : tenter de rétablir l’honneur de Sofia.
Il aurait été facile de faire un film truffé de clichés et de raccourcis avec un sujet comme celui-ci. Mais dans ce long métrage, rien n’est facile. Le scénario, très bien écrit, est d’une grande subtilité. La belle brochette de personnages féminins apportent de la complexité à l’histoire et sont interprétées de main de maître (mentions spéciales pour Maha Alemi, nuancée et insondable dans le rôle de Sofia, et pour Lubna Azabal, magistrale dans la peau de la tante Leïla).
Une vraie réussite.
Notre note : 8,5/10
La bande-annonce du film :