La guitariste et auteure-compositrice-interprète Cécile Doo-Kingué était de retour cette année au Festival international de jazz de Montréal, qui célèbre son 40e anniversaire.
Comme toujours, la chanteuse de blues d’origine camerounaise Cécile Doo-Kingué a fait montre de ses talents lors de son concert en extérieur.
Accompagnée de ses musiciens Pierre Desmarais (à la basse) et d’Anthony Pageau (à la batterie), la guitariste a fait voyager le public de la scène Hyundai pendant près d’une heure dans son univers alliant blues, afro et soul. Elle a d’ailleurs avoué que ça faisait du bien de jouer à la maison devant son public.
Avec sa guitare, elle a donné le tempo, alternant entre chansons et prises de parole, en anglais comme en français. Elle a, entre autres, pris position contre l’iniquité et toute forme injustice (« C’est insultant quand on se trompe sur votre genre ».
Cécile a profité de la scène qu’elle avait pour faire valoir son opposition au projet de loi contre la laïcité qui vient d’être adoptée au bâillon, à l’Assemblée nationale du Québec. Elle a décrié une loi xénophobe et islamophobe, et dans une volonté évidente de rassembler, elle a terminé son spectacle en chantant «life is beautiful» (la vie est belle).
Et elle était belle la vie, en tout cas cette fin d’après-midi du 27 juin, alors que le soleil rappelait aux festivaliers qu’il n’avait pas disparu.
Son quatrième et dernier album Anybody Listening Part 2: Dialogues, a été lancé en 2016.
Lauréate du Prix Edith Butler 2013 de la Fondation SPACQ en plus d’avoir obtenu trois nominations aux Maple Blues Awards en 2015, Cécile Doo-Kingué a grandi à New York et a vécu en France avant de s’établir à Montréal.
En marge de son spectacle, elle a répondu aux questions de Touki Montréal.
Quel est votre souvenir le plus mémorable du Festival de jazz ? Aussi bien comme artiste que comme spectateur ?
En 2005, quelques mois après le décès de mon père qui ne m’a jamais vu sur scène, ma formation Dibondoko jouait deux sets au FIJM. C’était la première et seule fois que ma mère a eu la chance de me voir en spectacle. Qu’elle puisse me découvrir en tant que musicienne professionnelle/artiste devant une foule de milliers de spectateurs enthousiastes était un moment magique.
Les deux, on en avait les larmes aux yeux.
Ca peut paraître banal à certaines gens, mais pour la génération de mes parents, celle qui a enfin vu tomber la colonisation officielle, qui a obtenu accès à l’indépendance et à l’éducation au-delà du primaire pour les peuples autochtones, ça représentait un défi d’accepter que leur enfant choisisse un métier dans les arts plutôt que de poursuivre de hautes études pour être cadre. Sa présence soulignait son soutien.
Êtes-vous pour un festival de jazz avec uniquement du jazz ou au contraire avec une diversité de genre et d’artistes ? Si oui pourquoi ?
Question piège? ? Je ne crois pas en la ségrégation musicale. Cultures et genres musicaux s’influencent mutuellement sans pour autant dénaturer leur essence. C’est ce qui les enrichit. Les boîtes sont des ruses de marketing… Ceci dit, si un festival est nommé après un style de musique, je m’attends à ce que ce dernier soit majoritairement privilégié dans la programmation.
Quel est l’artiste que vous auriez voulu avoir dans la programmation ?
Shakura S’Aida
Option : Roland Tchakounte
Un dernier mot sur Montréal ou sur le Festival de jazz ?
Ca va faire du bien de voir des artistes et des spectateur.trice.s de toutes origines et religions se côtoyer au festival, surtout suite aux lois xénophobes que notre gouvernement vient de passer, et ce contre la volonté de la majorité du peuple.
Peut-être que l’harmonie sociale que créent la musique et les festivals rappellera:
1. la contribution culturelle des immigré.e.s
2. combien, au moins à Montréal, nous célébrons et sommes fier.ère.s de notre diversité, même s’il nous faut encore approfondir le dialogue.
J’espère voir des têtes nues et des têtes couvertes, que ce soit par un pagne, un chapeau, un hidjab, un kippa, etc. parmi les ambianceur.euse.s! ? La musique s’en balance et moi aussi…
Photos: Terry Hughes