Entrevue avec Madioula Kébé-Kamara, l’éditrice de Diverses syllabes

Directrice générale des éditions Diverses syllabes, une maison d’édition féministe intersectionnelle et queer, Madioula Kébé-Kamara et son équipe ont lancé une campagne de socio-financement pour recolter 60 000 $ afin de réaliser sa mission de repenser les lieux de création et de diffusion après les dénonciations d’inconduites et de violences sexuelles, et ce dans le contexte du mouvement Black Lives Matter. Elle a repondu à nos questions.

Comment et pourquoi est né votre projet ?

L’idée de ce projet, je la porte depuis plusieurs années. À cause du faible nombre de personnes issues des minorités dans le milieu littéraire et les médias, je voulais apporter du nouveau et contribuer au changement dans le milieu littéraire québécois (personnages, regards authentiques, pluralité des discours, etc.)

Visuel par Catherine Leblanc

De plus, avec le contexte du black lives matters, des dénonciations d’inconduite sexuelle dans le milieu littéraire et artistique québécois ainsi que les discussions sur les conditions précaires des auteurs.trices au Québec, je voulais agir (pour donner des modèles aux jeunes, être plus juste, mais aussi offrir un milieu de travail sécurisé basé sur la discussion et l’empathie).

Quelle sera la ligne éditoriale ?

J’ai articulé la politique éditoriale de Diverses syllabes autour de trois points :

– Cibler les artistes marginalisées (pour contrer le racisme systémique et les discriminations)

– Mettre en place une équipe bienveillante et composée de femmes et de personnes minorisées dans le genre (pour contrer les inconduites sexuelles, favoriser les échanges, réduire les risques que des dynamiques de pouvoir malsaines s’installent et pour également créer des opportunités d’emploi)

– Mettre en place des conditions d’édition favorisant la rémunération des auteur.rices (pour contrer la précarité et la faible rémunération réputée dans le milieu littéraire). C’est-à-dire, allouer une rémunération de base de 1000$ dès la signature du contrat et en proposant également aux auteur.rices un pourcentage des ventes plus important que ce qui se fait actuellement dans le milieu.

Qui est derrière ce projet ?

Fondatrice et directrice générale de Diverses Syllabes, je suis éditrice, autrice et poète. D’origine sénégalaise-française, je suis née et grandit à Paris et je suis arrivée au Québec il a 5 ans avec mari et enfant. J’ai toujours eu la passion des livres, de l’imaginaire et de l’écriture.

Après 14 années dans le domaine bancaire (parce que je ne voyais pas ou peu de femmes noires réussir en littérature), j’ai poursuivi mon rêve en reprenant des études littéraires. J’ai à cœur de promouvoir la diversité, le multiculturalisme, avec regard sur le monde à la fois curieux et teinté de ce féminisme intersectionnel qui me caractérise.

Aussi, Diverses syllabes est cofondée par un comité de femmes majoritairement racisées, déjà actives dans le milieu littéraire et artistique, dont Emmanuela Feix (poète et éditrice brésilienne), Paola Ouedraogo (autrice, rédactrice, chercheuse et doctorante en études littéraires guadeloupéenne), Brintha Koneshachandra (autrice, traductrice, artiste visuelle et doctorante en histoire d’origine tamile-française), Sayaka Araniva (éditrice, chargée de communication et rédactrice salvadorienne), Cato Fortin (autrice, rédactrice et doctorante en en études littéraires québécoises)

Madioula Kébé-Kamara

Quel regard portez-vous sur la contribution des communautés racisées à l’industrie littéraire ?

Elle doit être encouragée, car la prise de parole de toutes les communautés d’ici permet de rassembler sous une même bannière tout le Québec et tout le Canada. Ainsi, que ce soit pour l’industrie littéraire, les médias ou autres, le message doit être le même : dans nos différences nous sommes un tout.

Quel est votre rêve pour d’ici 5 ou 10 ans ?

Que la représentation des minorités dans la littérature soit significativement augmentée, tant dans les œuvres que dans les acteurs.trices de l’industrie du livre. Pour ce qui est de notre maison, je nous souhaite de pouvoir publier plusieurs ouvrages par années, d’avoir un partenariat en France et de contribuer à donner du travail à plus de personnes racisées et minorisées dans le genre possible.

Qu’avez-vous envie de dire aux plus jeunes issu des communautés racisées ?

Les dialogues entre les communautés doivent être plus nombreux et ils doivent mener à des actions positives et concrètes. En attendant, sachez qu’il n’y a pas de limites à vos ambitions, vous devez viser vos rêves et travailler dur pour les concrétiser sans attendre de permission. Sentez-vous légitime dans vos choix surtout lorsqu’ils visent l’excellence.

Quel est le dernier livre lu ?

Roman : Moi, Tituba sorcière noire de Salem de Maryse Condé

Quel est le livre que vous avez lu le plus de fois ?

La trilogie policière de Stieg Larsson : Millenium

Quel est le livre que vous n’avez jamais terminé?

After d’Anna Todd

S’il ne fallait recommander qu’un seul livre ?

Livre La Cité des dames de Christine de Pizan

Quel est l’album de musique du moment ?

L’album de Beyonce: The gift (2019)

Votre film « coup de cœur » de cette année ?

American Son réalisé par Kenny Leon

Questions en rafale

Thé ou café ? Thé

Facebook ou Instagram ? Facebook

Alexa ou Ok Google 😕 OK Google

Prince ou Michael Jackson? Mickael Jackson

CD ou 33 tours ? CD

Un dernier mot ?

Je suis reconnaissante envers les co-fondatrices de Diverses syllabes ainsi que tous.tes les alliées qui soutiennent ce projet (acteurs.trices littéraires, journalistes, groupes féministes et autres humains de qualité) je laisse ça là en espérant leur rendre la pareille un jour.

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