Présenté au Festival international du film black de Montréal, Black Boys de la réalisatrice Sonia Lowman est un documentaire brillant, sensible, poignant. Il alterne la réalité et la schématisation tout en dressant un portrait, juste, dur et réaliste de la situation des hommes noirs aux États-Unis.
À travers des témoignages d’hommes noirs de différentes générations, la réalisatrice s’attaque ici au sujet de l’heure: les multiples facettes du racisme systémique, et ce, à travers l’utilisation du corps des hommes noirs.
Le documentaire s’ouvre sur Greg Scruggs, un ancien défenseur dans la Ligue nationale de football américain (NFL) et actuellement entraîneur de ligne défensive pour les Bearcats de Cincinnati, dans une scène quotidienne où on le voit dans la routine du dodo avec son fils.
La scène est attendrissante, anodine à première vue pour la majorité des gens ayant vécu dans une famille traditionnelle. C’est cependant une situation que peu d’hommes noirs américains ont connue. Souvent, ils ont grandi dans des familles brisées, pauvres ou sur le seuil de la pauvreté, avec pour seul pilier et modèle une mère célibataire.
Ce sont des familles où les histoires de morts sous les balles de la police, de prison sont chose courante.
Black Boys est divisé en trois parties. La première montre comment le corps de l’homme noir a été utilisé depuis l’esclavage pour travailler dans les champs de coton et est devenu aujourd’hui une machine pour le sport. Bref, une machine à enrichir l’homme blanc.
Ce sont des corps forts et musclés, performants puissants qui ont servi à enrichir la NFL, la NBA. En réalité, les champs de coton d’hier sont devenus les terrains de sports.
Greg Scruggs raconte qu’il a su, très tôt, que son corps grand et fort était le mieux qu’il avait à offrir pour sortir de la pauvreté. «Mes jambes sont devenues des pourvoyeurs, je devais courir vite…» dit-il.
Tout au long du documentaire, se succèdent les témoignages d’anciens joueurs de football américain, de basketball, des directeurs d’écoles et autres intervenants. Le discours est le même: There is no love for Black Boys !
Black Boys témoigne d’un problème qui est devenu un de société: comment l’éducation des Noirs a été délaissée pour le sport. Pourquoi les jeunes hommes ont-ils de la difficulté à se projeter dans des métiers autres que ceux qui exigent d’eux une implication physique ? Pourquoi la société américaine ne les pousse pas à développer leur potentiel académique ?
C’est plus qu’un documentaire. Il s’agit aussi d’un outil qui devrait servir à expliquer ce qu’est le racisme systémique, surtout de ce que cela fait de ne pas pouvoir rêver sans limites. De ne pas se voir, se reconnaître à la télévision. De ne pas pouvoir se projeter dans des personnes autres que des sportifs ou des artistes lorsqu’on est un enfant noir.
Black Boys dresse un portrait de l’homme noir touchant, humain, sensible, réfléchit, paternel, avec une image positive contraire au cliché de l’homme noir violent, “loud”, vulgaire, celui qui fait peur à la femme blanche croisée sur une rue.
C’est le deuxième documentaire de Sonia Lowman, une spécialiste en communication. À la lecture de sa biographie, on constate avec étonnement qu’elle n’a pas fait d’école de cinéma. Pourtant, sa démarche et son regard sur la condition des hommes, des garçons noirs américains est lucide, poignant et presque lyrique.