Présenté aux RIDM, dans leur édition 100 % numérique, cette année, le long métrage En route pour le milliard, réalisé par le Congolais Dieudo Hamadi bouleverse, illumine et fascine tant le courage démontré par ses protagonistes est impressionnant. C’est un récit authentique où l’on suit le parcours incroyable de Congolais mutilés par une guerre qui ne les concernaient pas et non considérés par leurs gouvernants.
Kisangani, vous connaissez ? Ville du nord-est du Congo, elle est malheureusement connue pour une des plus grandes tragédies du pays. Du 5 au 10 juin 2000, la guerre des Six Jours opposant le Rwanda et l’Ouganda a eu lieu à Kisangani.
Armée contre armée, obus contre obus: cette folie a entraîné la mort et des blessures irréversibles pour de nombreux habitants de la ville. Une partie de la population vit avec des prothèses de bras, de jambes et des fauteuils roulants. Bref, c’est une injustice qui ne se termine pas là.
Depuis plus de vingt ans, ces personnes demandent réparation auprès de leurs dirigeants qui ne cessent de faire la sourde oreille à leurs revendications.
Le réalisateur Dieudo Hamadi a décidé de plonger sa caméra au sein de l’Association des Victimes de la Guerre des Six Jours dirigée par son président Lemalema.
Afin de se faire entendre et enfin respecter, ce dernier propose de se rendre à la capitale Kinshasa pour rencontrer avec d’autres les politiciens. Un périple “dur et pénible” comme il le dit en amont aux volontaires qui veulent y participer.
C’est ainsi que le réalisateur suit pendant plusieurs jours, onze membres de l’association, dont le président, qui prennent place dans une embarcation des plus précaires pour une expédition qui ne peut que changer leurs vies.
Le réalisateur filme en toute simplicité cette délégation qui ne peut que forcer le respect de par son courage. Tous sont mutilés, tous vont devoir passer plusieurs jours dans un bateau, et ce, dans des conditions exécrables. Devant faire face à des conditions météorologiques variantes, il est clair que le voyage n’est pas de tout repos.
Seulement pas pour eux, c’est dur. Ils le savent, mais ils ne se plaignent jamais. On ne peut qu’admirer le courage de ces personnes. Dans ces moments, malgré la difficulté, ils savent s’entraider, garder le sourire, chanter ou même danser.
Les plans filmés par Dieudo Hamadi sont émouvants, transpirent de beauté et restent dans nos têtes.
Parmi les membres de l’association, il y a Mama Kashindi, dont le corps ne comprend plus la présence de bras ni de jambes. Pourtant, elle cuisine, mange, nourrit les autres, danse, chante et pratique la couture. Cette femme est simplement impressionnante. Grande gueule, ne se laissant pas faire, elle fascine.
Une autre femme, Sola, est suivie de plus près par la caméra du réalisateur congolaise. Cette dernière est la chanteuse et danseuse du groupe.
C’est avec elle également qu’on découvre les conditions des prothèses. Douloureuses, inconfortables, peu malléables, elles sont le résultat d’un manque de moyens évident.
Le massage est devenu quasi obligatoire pour les aider dans leurs douleurs quotidiennes. Malgré tout, Sola garde une joie de vivre, une volonté d’aller de l’avant et d’avoir tout simplement ce qu’elle mérite, une vie avec de meilleures conditions.
Dans le documentaire, le réalisateur distille des passages de scènes de théâtre jouées par l’Association qui reprennent des moments avant, pendant et après la guerre de Six Jours. Il y a une forte émotion en voyant les comédiens revivre des moments terribles qu’ils ont vécu.
Les multiples efforts réalisés par ces personnes pour atteindre leur but sont embellis par la caméra de Dieudo Hamadi. Cette force, cette obstination ou encore cette rage de vaincre que montre sa caméra ne peut pas laisser indifférente. Ils sont à terre, mais ils se relèvent encore plus fort.
Dressés devant le Parlement ou le Palais de la Nation, avec le regard fier, ils manifestent dans l’espoir de pouvoir croiser ses élus qu’ils pourront regarder droit dans les yeux.
En définitive, le documentaire En route pour le milliard est un film aussi poétique que politique. C’est une odyssée pleine de dignité qui est à voir sans détour.