Déracinement, exil et amertumes: tels sont les sujets abordés par la journaliste Lilia Hassaine dans son excellent second roman, Soleil amer, paru dans la prestigieuse collection blanche de Gallimard.
C’est l’histoire de Naja, une femme d’Algérie qui vit dans les années 50. Elle a trois filles (Maryam, Sonia et Nour) qu’elle élève comme elle peut, seule parce que son mari Saïd s’en est allé en France.
Il fait partie de ces hommes du Nord de l’Afrique qui ont été recrutés en vague pour travailler dans les usines de France, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Naja pense que tous ses problèmes sont derrière quand après cinq ans, elle obtient le droit de rejoindre son si cher marie. La réalité sera plus cruelle, mais le talent de Lilia Hassaine est de le dire sans forcer sur les traits. Le lecteur se fait lui tout seul dans la tête les scènes difficiles, de violence, d’évènements tragiques ou pire de viol.
Naja voit sa vie prendre un tout autre tournant quand elle accouche de jumeaux pas forcément désirés (par elle), mais la situation sera récupérée par une partie de la famille et le mensonge deviendra l’intrigue principale du récit. Sauf que l’enjeu est plus gros.
En partant d’une histoire réelle racontée par sa mère, l’auteure arrive à aborder plein de sujets: les balbutiements des cités HLM, les début du SIDA, le mal-être naissant des populations algériennes qui commencent à se chercher une place en Hexagone ou qui ne retrouveront jamais la leur en revenant au bled (cas des Harkis ou des immigrés de façon générale). Il y a aussi le regard naïf, mais se voulant bienveillant des personnes comme Ève, la belle-sœur de Naja qui veulent aider, mais font parfois plus de tort que de bien.
Avec son splendide livre, Lilia Hassaine se permet d’ajouter sa voix pour le combat de ces femmes du monde qui combattent à leur façon les inégalités du quotidien. Sans imiter celles qui sont déjà arrivées, comme on dirait dans certains endroits en Afrique, elles acceptent courageusement de tout encaisser pour offrir le meilleur à leur enfant, avec une seule certitude, la vérité et la raison triompheront.
L’œuvre se termine par un malheur qui en quelque sorte sera salvateur pour un des personnages, Daniel, un des jumeaux. À savoir s’il est le modèle à suivre ou le sort réservé à ces fils et filles d’Algérie qui acceptent leurs conditions. Difficile d’en dire plus sans risque de spolier les lecteurs.