Pause audace #DropTheMask : Courageuses et vulnérables

Pas si simple d’accepter d’être vulnérable. L’éducation, les cultures et les aléas de la vie ont forgé des carapaces et des masques bien étanches. Dans plusieurs communautés afro-descendantes et racisées, la vulnérabilité est encore synonyme de faiblesse, alors même qu’elle indique une forme de courage.

Dans les bureaux d’Audace au féminin situés dans l’ouest de Montréal, c’est un samedi quasi ordinaire. Café, thés, tisanes et viennoiseries sont disposés pour accueillir chaleureusement une vingtaine de femmes afro-descendantes d’horizons différents.

Elles ont une chose en commun : le besoin d’obtenir des outils concrets pour mieux embrasser leur vulnérabilité, souvent bien dissimulée derrière un masque.

« Mesdames, je vais vous demander de vous définir en trois mots sans que ces mots ne soient rattachés à un rôle que vous jouez dans la société ou pour votre entourage », propose Bianca Ashley Désiré, coach certifiée en programmation neurolinguistique et fondatrice du mouvement Respect my Confidence.

« Je ne veux pas savoir votre profession, que vous êtes une maman, une sœur ou une tante. Je veux savoir comment vous vous définissez. Et surtout… ne dites pas que vous êtes gentille! Vous avez le droit de ne pas être gentille aujourd’hui! »

Des éclats de rire se font entendre, derrière quelques larmes qui coulent sur certaines joues. Au bout de quelques minutes, ces femmes se définissent par des qualités humaines loin de tout statut social.

Femmes fortes

Elles se disent « empathiques, vivantes, courageuses, fatiguées, aimantes, responsables ou sensibles ». Le temps d’une pause audacieuse, elles ont choisi d’être elles-mêmes sans aucun autre attribut.

Dans plusieurs cultures afro-descendantes, un vocabulaire précis existe pour définir les femmes. On les dit souvent « fortes », « poto-mitan » en créole haïtien [le pilier], « djok » en créole guyanais [combattantes] ou « résilientes ». L’héritage culturel peut être ressenti à la fois comme une fierté et un poids.

« Chez nous, on devait tout faire mieux que les autres. Mes parents ont fait ce qu’ils ont pu avec les outils qu’ils avaient. Dans ma tête, une partie de moi se demande si j’ai vraiment le droit à l’erreur. Puis-je vraiment rire ou pleurer dans la même minute sans avoir à me justifier? » entend-on au moment de parler des croyances limitantes.

« Ma mère m’a toujours appris à tenir malgré les aléas de la vie, ajoute une autre femme. Des fois, je la voyais pleurer dans l’auto alors que j’étais à la fenêtre de la cuisine. Elle revenait dix minutes après comme si de rien était pour nous préparer le souper. On nous transmet l’idée que la femme est poto-mitan, le pilier d’un foyer, celle qui tient bon contre vents et marées. Et des fois, c’est difficile, car on se demande si on a vraiment le droit de tout lâcher ».

Authenticité et compassion

Un autre dit : « J’aimerais ça pleurer, mais je crois que je n’en suis plus capable. Tout ce qui concerne la santé mentale, ce n’était chez nous qu’on en parlait ouvertement. Les idées préconçues existent encore et prennent un certain temps à se déconstruire ».

Avant d’accompagner plusieurs femmes à atteindre leur propre potentiel, Jessie Legent a frappé un mur. Son histoire est la preuve qu’elle sait de quoi elle parle. Deuil périnatal, doutes professionnels, remises en question perpétuelles, elle a pris du temps à se redéfinir et à retrouver sa paix intérieure. Aujourd’hui, elle transmet ce qu’elle applique à sa propre vie, le plus possible.

La coach écoute chaque femme se livrer sur ses défis. Elles parlent chacune leur tour de leurs stress qu’il soit celui d’une évaluation de performance appréhendée, ou celui ressenti avant de parler à son adolescent.

« Votre corps réagit d’avance à ce que votre cerveau n’a pas encore assimilé. Quand vous sentez venir cette émotion, prenez le temps de l’absorber. Elle vous indique quelque chose que vous devez comprendre », souligne Jessie Legent.

« La cohérence cardiaque est une technique qui vous permettra d’apprendre à respirer et expirer en 5 temps. Vous pouvez aussi expliquer à l’autre que ce n’est pas le bon moment pour vous et indiquer quand ça le sera. Vous pouvez aussi provoquer une discussion si vraiment le malaise persiste et préciser qu’il s’agira d’émotions. Appliquer ces petits trucs au quotidien vous permettra de vous ramener près de votre corps et d’accepter votre vulnérabilité. » 

Avant de conclure cette pause audacieuse bien méritée, chaque femme a pu recevoir et donner un câlin à une autre en la remerciant des confidences, de l’écoute et des conseils. Une pause qui indique aussi que la véritable sororité est une forme de vulnérabilité, elle aussi à apprivoiser.

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