« S’enjailler »: hymne à la sororité et la femme (noire)

« S’enjailler » de Stephie Mazunya

Jusqu’au 11 mai 2024 au Centre du théâtre d’aujourd’hui, la jeune auteure Stephie Mazunya propose pour sa première pièce, une incursion réussie dans le quotidien de quatre colocataires, femmes, noires et fières de leur origine et de leur temp.

C’est l’histoire de Naïca, Keza, Safia et Chloé, quatre amis qui se partagent un appartement, mais aussi un vécu et quelques combats militants, au premier rang duquel la place de la femme dans la société.

Très rapidement, le lecteur s’incruste dans l’intimité de ces femmes et partage donc leur langage, leur déception, leur joie, mais souvent leur propos très assumé sur différents sujets le plus part du temps abordé avec humour et même (auto)dérision.

Pour adoucir le tout, notons la brillante idée d’ajouter ici et là de la musique avec des très bons morceaux pour ceux qui savent vivre dans leur temps. On entendra ici des paroles du tube Coller la petite du Camerounais Franco ou les mots de la reine du pop Queen B aka Beyoncé.

La talentueuse Sophie Cadieux qui signe la mise en scène nous a confié à la fin de la première médiatique tout le bien qu’elle pensait de la jeune Stephie Mazunya avec qui elle a joué dans la pièce Soif. Elle lui promet d’ailleurs un bel avenir dans l’industrie, mais possiblement ailleurs aussi.

La pièce, ça fait au moins quatre ans que les deux amies s’en parlent. Disons-le d’emblée, à entendre les éclats de rire pendant la présentation, les applaudissements alors qu’une scène devait suivre une autre ou l’ovation finale, aussi bien Stephie Mazunya que Sophie Cadieux ou encore les actrices Naïla Louidort, Carla Mezquita Honhon et Malube Uhindu-Gingala ont offert une prestation remarquable.

On a adoré les envolées musicales de Naïla Louidort et Malube Uhindu-Gingala, le swag de la première (avant sa virée en club), l’insouciance et le registre de la seconde, ou les prises de position forte de Malube Uhindu-Gingala sur des sujets clivants, les pas de danse des quatre, le décor minimaliste ou encore les projections. Que dire de la scénographie ô combien soignée du tout ?

Le sourire et le sentiment de délivrance pesaient d’ailleurs fort pendant l’après-spectacle dans le hall du théâtre d’aujourd’hui après la représentation d’environ 1h30.

Il faut dire que les quatre millénariales québécoises afrodescendantes s’assument complètement. Aussi bien dans leur langage très urbain et actuel que dans les discussions sur le diva cup, les (premières) relations sexuelles, la vie de couple, le rapport à la religion ou bien évidement la délicate question de la sécularisation.

Le titre du spectacle, S’enjailler, ne pouvait mieux définir le ressenti de ceux qui dans la salle assistaient à la prestation époustouflante des comédiennes.

Faut-il utiliser ou non le mot en N, le mot Queer, que retenir du mouvement Black Lives Matter, quoi penser de la porno et du principal site internet sur le sujet, quel sens donner à la représentation des femmes noires sont autant d’autres questions abordées dans cette démonstration de l’amour sororal.

«Le profond amour que je ressens pour les femmes dans ma vie est celui que j’espère voir briller tout au long des représentations de S’enjailler», explique Stephie Mazunya dans le dossier de presse.

S’ENJAILLER

Salle Jean-Claude-Germain

15 avril au 11 mai

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
Veuillez entrer votre nom ici