« Une vie intelligente » de Dominique Leclerc: sobriété numérique, gestion de l’ennui et…IA au Théâtre Duceppe

Présentée au Théâtre Duceppe, la pièce « Une vie intelligente » de Dominique Leclerc est à la fois une expérience collective et une démarche documentaire sur le sujet de l’heure, à savoir l’intelligence artificielle. Pendant 1h45, le public se retrouve confronté aux questions de l’utilisation et de l’impact de l’IA sur nos vies. Retour sur cette expérience bien singulière.

Plus que la question simpliste du bien-fondé du recours à l’intelligence artificielle dans nos vies, la pièce conçue en collaboration avec l’Université de Montréal est en réalité une réflexion sur nos habitudes de consommation numérique, son impact sur nos vies, mais aussi sur le bien collectif.

Tout part d’une conférence tenue à Montréal par des acteurs de l’industrie de l’intelligence artificielle venus des quatre coins du monde pour plancher sur une utilisation « humaine » de ce savoir. De cette rencontre nait la Déclaration de Montréal et cette pièce de théâtre initiée par l’Université de Montréal.

Avec sa plume, Dominique Leclerc (et sa troupe Posthumains) ainsi que son compagnon d’armes Patrice Charbonneau-Brunelle finissent par proposer cet ovni théâtral dans l’espoir d’évangéliser les païens de la tech en leur propageant la bonne nouvelle, à savoir qu’il faut minimalement se méfier des deux lettres que sont IA.

Sur scène, le public a droit à sept comédiens habiles et très bien préparés pour l’occasion, de l’expérimenté Dominique Leclerc au débutant Thomas Emmaüs Adetou (non moins philosophe et doctorant s’interrogeant sur l’éthique des machines intelligentes) en passant par les interprètes Félix Monette-Dubeau, Marcel Pomerlo, Natalie Tannous, la jeune et talentueuse Amaryllis Tremblay (qu’on reverra certainement) ou la vulgarisatrice scientifique Catherine Mathys.

Soulignons aussi la présence de bénévoles présents tous les soirs et qui livrent une relative prouesse dont le résultat sera peut-être exploité dans l’avenir.

Soyons pédagogique et précisons d’emblée qu’il ne s’agit pas seulement de discuter avec un modèle de langage conversationnel du genre Deepseek ou plus connu comme Chat GPT, Gemini, Mistral ou Claude.

L’intelligence artificielle est plus présente qu’on ne le pense à nos côtés, que l’on veuille traduire rapidement un texte, utiliser son écran, sa montre ou sa sonnerie connectée de Google, Amazon, etc. Il est forcément présent lorsqu’on s’adonne avec excès au plaisir d’éplucher les nouvelles publications de nos réseaux sociaux.

Dès le début, pour ramener tout le monde sur la piste de départ, les auteurs ont la bonne idée d’expliquer un peu la genèse de cette révolution en s’appuyant sur l’histoire du héros local à savoir le Montréalais Yoshua Bengio, tout en parlant aussi de personnage comme Yann Le Cun ou Geoffrey Hinton.

La scénographie est à point tout comme le texte et sa livraison. Sur ce point, il y a consensus parmi les critiques et même plusieurs des spectateurs : cette mise en bouche est particulièrement efficace même si un tantinet longue.

D’ailleurs la pièce de 1h 45 passe assez vite, car les auteurs ont su faire preuve de créativité pour se passer d’un entracte qui aurait assurément eu le risque de diluer la sale. On a adoré les interactions avec le public (qui sont ceux qui utilisent l’IA tous les jours ?) et le moment de silence utilisé pour illustrer à l’assistance à quel point le numérique s’est emparé d’un moment sacré dans nos vies….le temps de l’ennui.

Soyons bon joueur, bien des moments de la pièce semblaient délectables à l’écrit ou dans le processus de création, mais se révèlent peut-être peu pertinents dans le spectacle. Revoir les scènes de télétravail pendant la pandémie n’était peut-être pas primordial au regard du traumatisme toujours présent dans l’esprit de bien nombres de gens.

Forcément, plusieurs repartiront après avoir observé à quel point les outils numériques ont pris une place prépondérante dans nos vies, surtout pour les jeunes qui n’ont pas connu l’avant. D’ailleurs les jeunes, surtout les plus jeunes, on les entend régulièrement à travers plusieurs voix off s’exprimant parfois avec tendresse sinon naïveté sur le sujet. (On en aurait pris plus d’ailleurs…)

La question plus sérieuse de la consommation énergivore de tout ce secteur a été brillamment abordée par le jeune doctorant d’origine togolaise Thomas Emmaüs Adetou, qu’on devine être une surprise du casting.

Éloquent, il remet en perspective et de façon imagée, mais concrète à quel point toute cette innovation technologique a une incidence réelle, au Congo, au Ghana et de façon générale sur la vie de ces gens qui ne peuvent pas forcément se payer un appareil de dernier cri.

À la fin de spectacle, il y a eu une séance de question-réponses ou les survivants de la soirée ont pu écouter à quel point il était important que nos politiques prennent conscience de l’urgence d’agir, de la nécessité « de passer à l’action » et se mettent au travail comme l’ont fait leur homologue européen par exemple. On a aussi pu constater à quel point le temps d’arrêt réclamé par les experts à Montréal n’a pas vraiment eu lieu…

« Il faut que chacun fasse un petit geste […] Ca peut faire une petite différence », a martelé d’ailleurs Dominique Leclerc.

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