Pour rentabiliser et rembourser rapidement un crédit mieux vaut être une femme vivant seule. C’est le constat fait par des institutions de micro finance rwandaises qui voient les femmes réussir dans de nombreux secteurs professionnels, surtout si elles n’ont pas ou plus de mari.
(Syfia Grands Lacs)
« Quand nous avons le dossier d’un homme et celui d’une femme demandant un prêt bancaire, nous l’octroyons d’abord à la femme et examinons celui de l’homme après », témoigne un agent de crédit à la Banque populaire du Rwanda. Pour ce banquier, les femmes remboursent plus facilement leurs prêts que les hommes. Avis partagé par Rose Uwagirisa, directrice de la Coopedu, Coopérative d’épargne et de crédit, une institution de micro finance initiée par Duterimbere, (« Avançons »), une association pour le développement de la femme.
Cette institution financière a, en 2010, déboursé plus de 2,2 milliards Frw (près de 400 000 $) répartis entre 3 250 femmes, et « tous ces crédits sont bien remboursés ».
« La grande réussite de cette banque résulte du fait que 78 % des clients sont des femmes », ajoute R. Uwagirisa. Comme différentes coopératives d’épargne et de crédit, Coopedu préconise des cautions solidaires, de groupes de quatre à huit personnes.
« Mais, de nombreux groupes d’hommes ont toujours des problèmes à rembourser leurs crédits », note un agent de Vision Finance de Kigali. « Même les femmes qui vivent avec leurs maris ont du mal, car souvent ils s’ingèrent dans la gestion de leurs entreprises », ajoute-t-il.
C’est ainsi, qu’à la Banque populaire de Kigali, 74 % des crédits accordés aux femmes le sont à des veuves qui sont les premières à rembourser dans les temps, d’après la gérante. « Cela nous prouve leur efficacité dans les affaires par rapport aux femmes mariées », ajoute-t-elle.
Les femmes investissent, les hommes dépensent
« Les femmes se contentent de prêts qu’elles peuvent rembourser. Elles ont peur de faire faillite, c’est pourquoi elles investissent tout l’argent dans les activités prévues. Pas comme les hommes, qui demandent des crédits pour monter une entreprise et commencent par se payer des voitures de luxe », témoigne cet agent de Vision Finance de Kigali. Drocella Mukashema, 45 ans, veuve, élève seule ses quatre enfants.
Grâce à un microcrédit, elle a ouvert une boucherie à Kigali. Depuis 10 ans, elle a remboursé sept prêts. Actuellement, elle gagne près de 240 000 Frw par mois (près de 600 $) et paie un employé. Avec ses bénéfices, elle couvre les frais de scolarité de ses enfants et espère pouvoir bientôt se construire une maison.
Pour Madame Niyigena, de Gikondo, Kigali, elle aussi bénéficiaire d’un prêt, « le seul secret pour rentabiliser un crédit et gagner la confiance de la micro-finance est d’engager le montant reçu dans une activité lucrative au lieu de chercher à satisfaire ses besoins immédiats ».
Certains hommes ne se soucient même pas des crédits faits par leurs femmes. « Chaque fois que mon mari a pris de l’argent tiré de mes revenus, il n’a pas voulu me rembourser alors que moi, je dois rembourser ma dette à la banque », se plaint une femme entrepreneuse, qui a, depuis six ans, développé son commerce grâce aux prêts de la Coopedu.
Cependant, jusqu’aujourd’hui, les banques commerciales classiques n’octroient leurs prêts qu’aux hommes, puisque, étant propriétaires de tout le patrimoine familial, ils ont des garanties.
Par ailleurs, certains hommes refusent d’hypothéquer leur maison pour permettre à leur femme d’avoir un crédit. C’est pourquoi les Rwandaises affluent vers des coopératives qui favorisent des cautions solidaires. Celles qui ont bien réussi ont, pour la plupart, créé des entreprises dans des secteurs autrefois réservés aux hommes (industries, professions libérales, juristes, agrobusiness, métiers artisanaux, commerces généraux, finances et tourisme).
Mais si, en ville, les femmes peuvent assez facilement avoir accès à des crédits, celles des zones rurales se plaignent d’avoir du mal à en obtenir, car les nombreuses institutions de micro-finance restent concentrées dans les milieux urbains ou semi-urbains.
Par Djalia Bazubagira