Interdit, le fouet a encore la peau dure dans des écoles de Kin

Malgré son interdiction pour protéger par des lois les enfants, le recours au fouet est encore d’usage dans certaines écoles de Kinshasa. Des élèves victimes ou leurs parents hésitent cependant à dénoncer les enseignants fautifs.

Donner un coup de fouet, une baffe, une chiquenaude… à un élève qui bavarde ou qui a mal répondu à une question, c’est encore courant dans certaines écoles primaires voire secondaires de Kinshasa. « Quelles qu’en soient les raisons ou les justifications, c’est une violence contre les enfants. Cela viole leurs droits », s’insurge Emery Nkanka, directeur exécutif de Lizadeel, une Ong des droits de l’homme congolaise spécialisée dans la promotion et la défense des droits de l’enfant. Si, en théorie, l’usage du fouet contre l’apprenant est en effet banni du système éducatif congolais, la réalité réserve encore bien des surprises.

Enseignant à Saint Paul, une école primaire de Barumbu, au centre-est de Kinshasa, V. avoue y recourir toujours. « C’est comme cela que nous avons été formés par les colons. Nous faisons la même chose aujourd’hui », justifie-t-il. « A leur époque, argue l’enseignant pour qui le fouet est la meilleure méthode pour faire obéir les enfants, les maîtres Belges faisaient usage de la chicotte pour discipliner les élèves. Par crainte du fouet, ces derniers se montraient plus adroits et respectueux ». Mais les temps ont changé et des lois ont été votées.

Respecter les droits de l’enfant

Parent d’un élève du primaire, Bruno Lukusa digère mal un tel comportement. « Battre les apprenants n’est pas une bonne pédagogie. Mieux vaut les sanctionner autrement. Car, soutient-il, un enfant habitué au fouet à tendance à devenir têtu ».

Depuis début 2009, une loi portant protection de l’enfant promulguée en RDC interdit tout traitement cruel, inhumain ou dégradant envers les tout petits. « Fouetter est une forme de torture », rappelle la Lizadeel (Ligue de la zone Afrique pour la défense des droits des enfants et élèves). Et à l’inspection nationale de l’Enseignement primaire secondaire et professionnel (EPSP), la menace de sanction contre les enseignants fautifs reste permanente. Joseph Bongoliongo, inspecteur principal adjoint chargé du primaire affirme que « ceux d’entre eux qui enfreignent cette disposition risquent la suspension ou le renvoi définitif lorsqu’il s’agit d’un cas grave ».

Si dans la capitale congolaise, beaucoup d’écoles observent cette loi et l’appliquent, d’autres, surtout dans le secteur public, la passent outre. « A maintes reprises j’ai été fouetté par mon professeur. La dernière fois c’est lorsque mon nom est apparu sur la liste des bavards », témoigne Michael Kabeya, élève de 5ème primaire. Mwepu, un autre élève, affirme, lui, avoir reçu des coups de lattes sur la paume de main pour s’être battu avec son collègue de classe.

La loi du silence

Moins nombreuses, de telles pratiques ne sont cependant pas de mise partout. Préfet de discipline dans une école privée de Kinshasa, Jean-Baptiste Ansmbanda déclare que chez eux « l’usage de la chicotte est strictement interdit. Tout enseignant se rendant coupable d’un tel acte est immédiatement sanctionné ».

La ligue pour la défense des élèves pense que la survivance du fouet et d’autres formes de violences contre les enfants à l’école est due à la loi du silence. « Nous recevons de temps en et temps des plaintes des élèves ou de leurs parents. Mais curieusement, les mêmes victimes nous demandent de ne pas les citer. Ce qui rend difficile notre action de dénonciation », se plaint NKanka. Le problème, reconnait l’inspecteur principal adjoint, est aussi du côté de certaines autorités scolaires qui se comportent en « protecteurs d’enseignants » et qui rechignent à les dénoncer.

Par Deogratias Obabela

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