Pour limiter leurs coûts et garder leurs clients, les commerçants du nord du Burundi, confrontés à la forte hausse du prix du carburant depuis le début de l’année, partagent les véhicules de transport. Quant aux particuliers qui ont des voitures, ils choisissent désormais de prendre le bus.
« On ne peut plus s’aventurer à louer un véhicule uniquement à son compte ! On y gagnerait quoi ? », lance Jean Nduwimana, un commerçant de la commune Marangara, au nord du Burundi, venu s’approvisionner en marchandises au marché de Ngozi. Ces derniers mois, en effet, les commerçants ont commencé à se regrouper pour transporter leurs marchandises, seule solution pour que leur activité reste viable et rentable.
En effet, depuis le début de l’année, le prix du carburant a déjà augmenté cinq fois : il est passé de 1,6 à 2,08 $. Cette hausse est principalement liée à la hausse du cours mondial du pétrole passé d’en moyenne 72 $ le baril (159 litres) en 2010 à presque 120 $ ces derniers mois. Fin juin, il est cependant redescendu à 92 $.
Mais, dans le prix de l’essence à la pompe, sont comprises aussi les taxes payées à l’Etat. Selon Pierre Nduwayo, secrétaire général de l’ABUCO (Association burundaise des consommateurs), l’Etat prélève environ un tiers du prix d’un litre. C’est à dire que sur les 2,08 $ que coûte le litre d’essence, 0,7 $ revient au Trésor public. Et ces taxes augmentent proportionnellement au coût de l’essence.
Conserver des acheteurs
A chaque fois qu’il monte, les prix de nombreuses denrées grimpent sur les marchés et le pouvoir d’achat des Burundais baisse. Les transactions dans les marchés suscitent de nombreuses disputes et discussions, car, l’acheteur voudrait acheter selon son revenu et le vendeur vendre selon le prix de revient.
« Vous qui vendez, avez de quoi augmenter les prix quand les choses changent et ainsi garder vos revenus ! Mais, nous qui travaillons, nos patrons n’ont pas revu à la hausse nos salaires ! », répond un acheteur à un vendeur qui lui parlait de la hausse du prix de l’essence. Alors, pour limiter les dépenses de transport, des commerçants des collines les plus éloignées de la province Ngozi se mettent désormais ensemble pour transporter les denrées. Ils louent une seule camionnette à cinq.
Selon l’un d’eux, s’ils continuaient à prendre chacun leur véhicule, soit ils y perdraient, soit s’ils montaient les prix, ils ne vendraient plus, car les consommateurs ne pourraient plus payer. Et, pour certaines denrées dont les prix sont réglementés, comme la bière et le sucre fabriqués dans le pays, ils risqueraient de se faire sanctionner si les prix sont trop élevés. André, de la commune Tangara, à environ 50 km de la ville de Ngozi, affirme qu’il payait avant plus de 50 $ pour acheminer ses marchandises. Cela ne lui coûte plus que 10 $. Grâce à cette tactique adoptée par de nombreux commerçants, ceux-ci parviennent à stabiliser les prix et à garder leurs clients qui peuvent alors continuer à acheter.
Prendre le bus plutôt que sa voiture
Ceux qui ont un véhicule personnel y réfléchissent aussi à deux fois avant de l’utiliser. « Même si quelqu’un m’offrait une voiture, je ne la prendrai pas avec le prix actuel du carburant ! », assure un petit commerçant de Mihigo. Ceux qui en possèdent déjà ne l’utilisent plus désormais pour de longs voyages, sauf en cas d’urgence, pour ne pas se ruiner en carburant. « Je ne peux plus voyager à bord de ma voiture depuis Ngozi jusqu’à Bujumbura », signale Bernard, passager d’un bus de transport en commun.
Selon lui, pour parcourir les 120 km qui séparent les deux villes, il lui faut plus de 20 litres de carburant, soit 40 $, quatre fois plus que pour le bus. « Pas besoin de luxe avec la vie actuelle ! », conclut-il. Une affaire pour les transports en commun en question qui ont de plus en plus de clients. Mais, eux aussi ont du augmenter leurs prix de plus de 10 % pour s’y retrouver. .
Ceux qui doivent absolument prendre leur voiture cherchent des passagers pour partager les frais. Un nouveau comportement qui fâche parfois, car tant que le prix du carburant était encore estimé supportable, les propriétaires des voitures offraient facilement et gratuitement des « lifts » à ceux qui en avaient besoin. Signe des temps, dernièrement, sur la route Ngozi-Bujumbura, l’un d’eux a refusé de prendre son voisin parce qu’il voulait à tout prix trouver un voyageur qui paye. Ils sont devenus ennemis et ne se parlent plus.
Par Eric Nshemerimana