Technicien, formateur et journaliste, Kasoki Tembo dirige une radio artisanale qui couvre Masisi, territoire enclavé de l’est de la RD Congo. Aidé par sa famille, ce passionné de technique informe, avec les moyens du bord, les populations qui ont difficilement accès aux médias.
L’entrée au bâtiment d’époque coloniale entouré d’un jardin potager mène vers un sentier qui débouche sur un local isolé. A première vue, rien n’indique l’existence d’une station de radio, sauf peut-être les deux antennes sur le toit et les panneaux solaires qui fournissent l’électricité. L’intérieur du local s’apparente plus à un atelier de réparation, avec deux micros fixés sur une table circulaire, des onduleurs, des convertisseurs électriques, des câbles entassés ça et là, des haut-parleurs dressés sur une étagère. Derrière ce meuble, les pleurs d’un bébé indiquent qu’il s’agit de la chambre à coucher. Kasoki Tembo s’affaire pour finir la préparation de l’émission d’avant soirée. « Papa, c’est 24 volts », lui dit une fillette d’une dizaine d’années qui dépose un voltmètre sur la table avant de s’éclipser.
Un des pionniers de la radio
La cinquantaine, cheveux gris et barbe blanche, le regard fuyant, Kasoki Tembo est le fondateur de la radio Kalembera qui couvre le territoire de Masisi sur près de 40 km2. Marié et père de quinze enfants, Kasoki est considéré comme un pionnier de la radio à l’est de la RD Congo.
Après plusieurs formations en technique de communication dans son pays, mais aussi au Gabon, en Côte d’Ivoire et au Cameroun, il s’est lancé dans l’aventure radiophonique dès 1986 et a participé aux expériences qui ont conduit à la création des premières stations dans le Nord-Kivu.
Il a ainsi contribué à la mise en place de la radio Star Goma, aujourd’hui remplacée par la Radio télévision nationale du Congo (RTNC), la radio FEC de Butembo, également RTNC ou la radio Muungano, actuelle radio Beni. « Voilà pourquoi je prétends être un des pionniers des radios de proximité dans l’environnement médiatique de la province du Nord Kivu », déclare Kasoki Tembo.
Quand on s’étonne du fonctionnement artisanal de radio Kalembera FM à l’ère de la diffusion numérique, notre interlocuteur se défend avec passion. L’essentiel, pour lui, c’est le droit à l’information et au divertissement pour les habitants de Masisi. « Avant l’installation de cette radio, nous ne pouvions capter que les radios étrangères émettant en ondes courtes, ce qui accentuait l’enclavement du territoire. Les informations nous concernaient très peu. Avec papa Tembo, nous sommes informés au rythme de chez nous », affirme un auditeur.
Avec les moyens du bord
Les éloges ne manquent pas, mais comme il est difficile de satisfaire tout le monde, certains auditeurs déplorent la gestion artisanale et familiale de la radio. « Je suis une fidèle auditrice de Kalembera FM, mais j’estime que la station est très mal gérée. Avec le papa comme directeur et journaliste, la femme technicienne et animatrice et les enfants dans diverses fonctions, c’est un peu n’importe quoi ! Il y a peu de professionnalisme », fustige une auditrice.
Pour se défendre, Kasoki, surnommé « Tembo 4×4 » invoque le manque de moyens pour engager des personnes qualifiées.
« Le plus important pour moi, c’est que la population soit bien informée. Mais, je ne peux pas m’engager à prendre des risques financiers en recrutant du personnel que je ne pourrais pas payer. Ma femme et mes enfants sont les seuls que je peux embarquer dans cette aventure », réplique-t-il en insistant sur les aléas techniques ou les accidents de parcours comme la foudre, qui empêchent souvent le bon fonctionnement de la radio.
Malgré ces difficultés, Kasoki Tembo ne ménage aucun effort pour poursuivre l’aventure, avec, pourquoi pas, des jeunes qu’il se dit prêt à former pour assurer la relève. Mais, difficile de faire mieux pour le moment, sans annonce publicitaire et sans la bonne volonté des populations pour payer les communiqués diffusés par la radio…
Alain Wandimoyi