Au Nord du Burundi, les agriculteurs entament timidement les travaux de la deuxième saison culturale. Ils craignent que des pluies trop abondantes pourrissent à nouveau les plantes et emportent la terre dans les vallées. Deux dangers face auxquels ils sont désarmés.
Alors que les agriculteurs du nord du Burundi se préparent à la deuxième saison culturale, ils craignent de ne pas récolter assez comme lors de saison dernière (septembre à décembre).
« Ma récolte en haricot a été inférieure de plus de moitié à ce j’attendais. Je n’ai récolté que 120 kg au lieu de plus de 300 kg sur ma propriété d’environ 1 hectare. Ce sont les pluies trop abondantes qui ont abîmé les plantes », se plaint Servillien, un agriculteur de la commune Mwumba, au nord du Burundi.
La gestion des eaux de pluie reste difficile pour les cultivateurs. Des cultures vivrières comme le haricot, la pomme de terre, la tomate… y résistent mal et pourrissent.
Les agriculteurs, qui généralement produisent pour leur propre consommation, n’ont pas les moyens d’acheter les produits phytosanitaires pour traiter leurs cultures. Ceux-ci sont trop chers (20 $ le kilo pour certains) pour des paysans qui ne cultivent que pour assurer leur survie et ont à peine assez de semences d’une saison sur l’autre.
Pourrissement et érosion
D’autres paysans, ignorant jusqu’à l’existence de ces produits de traitement, sont résignés et fatalistes : « La récolte ne dépend que de la nature. Quand la météo roule bien, on récolte bien et quand ça roule mal, on ne récolte pas », ressasse un agriculteur en train d’essayer de vendre des choux chétif au petit marché de Rukeco.
Outre le pourrissement des plantes, les pluies trop importantes entraînent la terre des collines et les cultures vers les vallées. Une solution serait d’établir des terrains selon les courbes de niveau, mais elle fait de moins en moins d’adeptes d’autant que le gouvernement a relâché son mot d’ordre en ce sens.
Les agriculteurs refusent de construire des champs en terrasse, car ils estiment que cela rétrécirait encore plus leurs petites parcelles. « Avec cette propriété que vous voyez ici, si je trace une courbe de niveau, je resterai avec quoi ? », interroge ainsi un paysan de la colline Gakeceri, dont le champ est situé sur le versant d’une colline. En contrebas, la route Ngozi-Buja est pourtant souvent recouverte par la boue que forme la terre arrachée aux champs pendant les saisons pluvieuses.
Aménager les bas-fonds
Dans les vallées, où stagnent les mêmes eaux, les producteurs sont obligés de récolter et de vendre précocement. « C’est pour éviter que mes patates douces pourrissent dans les champs, explique Clémence, une agricultrice de la colline Rwizingwe en commune de Ngozi. Comme je ne peux pas les consommer toutes, je les achemine vers le marché. Peu importe la somme que je trouverai, si petite soit-elle. Je n’ai pas de choix. »
En fait, bon nombre des marais de la région pourraient être aménagés pour assurer une meilleure circulation des eaux. Ils le sont rarement sauf intervention de donateurs comme le PAM ou la FAO dans le cadre de projets. Le gouvernement se montre peu empressé d’aménager ces zones et les agriculteurs n’arrivent pas à entretenir le peu d’aménagements créés. C’est le cas, des travaux qui avaient été réalisés par une ONG dans la vallée de Rugori en commune de Busiga et de ceux effectués en commune de Ngozi et de Mwumba.
À l’heure de planter, sur les versants des collines et dans les vallées, les agriculteurs n’ont pour l’heure d’autre recours que de prier le ciel d’être cette fois clément avec eux.
Par Eric Nshemerimana