Les Rwandais, même en milieu rural, sont de plus en plus attirés par les films produits localement et tournés en kinyarwanda. Leurs concurrents nigérians et tanzaniens, auparavant appréciés, perdent des spectateurs. Les réalisateurs et les acteurs font des affaires même si la qualité productions n’est pas toujours au rendez-vous.
Ce qui m’attire le plus dans ces films en kinyarwanda c’est qu’ils racontent notre vie de tous les jours. Je ne rate aucune sortie », se félicite Carole Ingabire, une passionnée de cinéma. Cette industrie attire aussi désormais des producteurs-réalisateurs.
Parmi eux, Théogène Bizimana, dont le film Inzozi (rêves) a été primé en mars dernier, comme le meilleur film au Rwanda. Pour ce professionnel, « les premières productions en kinyarwanda vendues en DVD depuis cinq ans ont retenu l’attention des Rwandais et les ont détournés des produits nigérians et tanzaniens en vogue à l’époque ».
Alphonse. K., qui regarde régulièrement ces films, estime que « regarder un film dans sa langue maternelle qu’on maitrise bien fait plaisir ». Selon Innocent Uwitonze, qui s’occupe de la promotion du cinéma au Rwanda, ces films sont très en vogue en milieu rural où la plupart des gens ne parlent que le kinyarwanda.
Théogène souligne également que les productions qui sont basées sur la culture rwandaise et qui parlent notamment d’amour, de conflits interfamiliaux et des croyances rwandaises sont les plus appréciées.
Une filière prometteuse
Nombreux sont les jeunes gens qui deviennent acteurs afin de se faire connaitre, mais aussi pour gagner de l’argent. Formé en cinéma, Denis Nsanzamahoro, un des acteurs rwandais les plus populaires, trouve que son métier lui rapporte bien : « Je peux gagner 500 000 Frw (environ 830 $) en 10 jours avec un seul film. Mais parfois je joue dans deux ou trois films à la fois et ainsi je gagne plus; » Pour lui le métier serait encore plus rentable si plus de gens investissaient dans la production.
Ces productions rapportent aux professionnels du cinéma, mais aussi aux vendeurs de rue. Des jeunes comme Anaclet Kayijuka passent de longues journées à sillonner les grandes villes en proposant aux passants des films en langue locale. Vendeur à la criée, celui-ci vend entre 15 à 20 DVD par jour ce qui lui rapporte entre 4 500 et 6 000 Frw (7 à 10 $).
Lutter contre le piratage
Des maisons de production ont mis en place tout un système de distribution. Des vendeurs, portant des uniformes aux couleurs de ces différentes firmes, circulent partout, en ville comme à la campagne. Innocent U., qui s’occupe de la promotion, rappelle que « les studios qui ont essayé de pirater ces films ont été traduits en justice » et que « depuis lors, cette pratique a cessé du moins pour les films rwandais ». Leurs producteurs en tirent bénéfice. Cependant, certaines personnes critiquent la qualité de ces productions.
Denis Nsanzamahoro estime que cela tient au manque de professionnalisme des acteurs, des réalisateurs et des scénaristes. « Ce n’est que récemment, explique-t-il, que les gens du monde du cinéma au Rwanda ont commencé à être formés. »
Pour Théogène Bizimana, les amateurs qui ne sont motivés que par le gain nuisent au secteur en mettant sur le marché des produits de trop basse qualité. Nzamuye E., lui, reproche au cinéma rwandais de ne pas recourir assez à des technologies avancées comme celles utilisées dans des films américains ou européens. Théogène n’est pas de cet avis : « On produit pour les Rwandais qui ont un mode de vie différent de celui des Américains », dit-il. Il est, selon lui, inutile d’employer des effets spéciaux qui seraient difficilement compris par le public rwandais.
Selon Éric Nshimiyumuremyi, membre d’une maison de promotion du cinéma au Rwanda, Ishusho Arts, le marché est tourné plutôt vers l’Afrique : « Nous visons maintenant des produits sous-titrés en anglais, en swahili ou en français afin de pouvoir vendre nos productions ailleurs en Afrique. » Africa magic, une chaine internationale, compte ainsi diffuser des films rwandais sur le continent.
Par Solange Ayanone