Le gouvernement rwandais a décidé de fermer les orphelinats et les hospices. Il estime que les enfants et les vieillards doivent être réintégrés dans la société. Mais les familles confrontées à la pauvreté auront bien du mal à les prendre en charge.
Le Rwanda envisage de fermer d’ici deux ans tous les orphelinats et les hospices de personnes âgées. Actuellement le pays compte près de 3150 enfants dans une trentaine d’orphelinats et un demi-millier de vieillards dans les hospices.
Les maisons d’accueil des vieux souvent tenues par les religieux et autres organisations caritatives sont en augmentation dans le pays. « De plus en plus de personnes âgées sont délaissées par les leurs et obligées d’aller dans les homes », note une religieuse du nord du pays.
Une étude publiée début 2012 par l’organisation Hope and Homes for Children révèle que 70% des enfants vivant dans des orphelinats ne sont pas réellement orphelins.
« Une bonne partie est composée de nourrissons jetés par leurs mères, d’enfants qui décident de quitter leur famille pour fuir la pauvreté des parents ou d’orphelins de l’un des parents », explique cette étude. La secrétaire exécutive de la Commission nationale des enfants, Zayina Nyiramatama, est ferme.
Fin 2014, tous les orphelinats seront fermés. Cependant, comme l’explique un responsable d’un établissement de Kigali, « sauf quelques bienfaiteurs étrangers qui manifestent de l’intérêt à adopter des enfants, très peu de Rwandais s’inscrivent sur la liste de demandeurs ». « Les gens sont réticents à adopter un enfant que ses proches refusent de prendre en charge », remarque-t-il.
La pauvreté en cause
Mais cela ne décourage pas les autorités. La présidente de la Chambre des députés, Rose Mukantabana, qui appuie la décision de fermer aussi les centres d’accueil pour personnes âgées, insiste : « Les Rwandais doivent assumer leurs responsabilités envers leurs parents et les orphelins ». Mais jusqu’à l’heure, de nombreux Rwandais trouvent qu’il ne sera pas facile de traduire cette décision dans les faits. « Tout le monde souhaiterait que les vieillards vivent en famille mais la réalité est tout autre.
Pensez-vous que les gens qui n’osent pas prendre en adoption des petits enfants que nous avons ici, accepteront d’amener chez eux et de supporter des vieillards que beaucoup considèrent comme un fardeau? « , se demande Sœur Dieudonné des Sœurs de Mère Thérèse de Calcutta, basées dans la paroisse Sainte-Famille, à Kigali.
« La cherté de la vie qui oblige les gens à aller n’importe où, souvent loin de leurs parents, à la recherche d’un travail rémunéré a des répercussions sur les conditions de vie des vieux », note cette religieuse du nord. La plupart d’entre eux se retrouvent seuls, au moment où leur âge exige qu’ils soient le plus aidés. Ainsi abandonnés, ils sont récupérés par les hospices.
Il en est de même pour de nombreuses mères, surtout rurales aux très nombreux enfants, qui, poussées par la pauvreté, se débarrassent de leurs bébés à la naissance. « Même actuellement les autorités de base continuent à amener des nécessiteux délaissés dans les centres d’accueil », ajoute cette religieuse. Une famille rwandaise est composée en moyenne de six personnes. Nourrir toute la famille, envoyer les enfants à l’école et autres soins est déjà très difficile pour un bon nombre de foyers.
Peur de partager l’héritage
La loi sur l’adoption exige que le parent soit approuvé par un tribunal. L’enfant adoptif a droit aussi à l’héritage familial. « Même ceux qui ont le bon cœur d’adopter des enfants vulnérables ne le font pas car ils ont peur de ne pas pouvoir leur trouver un patrimoine », explique un juriste de Kigali avant d’ajouter ; « en plus ils sont découragés par les procédures légales, dont les recours aux tribunaux et les formalités administratives ».
Si les parents d’adoption ne sont pas nombreux, le gouvernement envisage d’organiser en groupes ceux qui sont âgés de plus de 18 ans. Ils devront se prendre en charge comme en famille La secrétaire exécutive de la Commission des enfants assure que « les familles d’accueil seront assistées et auront accès aux microcrédits. Les orphelins qui voudront vivre indépendamment seront assistés dans leurs propres foyers ».
Tous sont d’accord pour dire que les pensionnaires des orphelinats manquent d’un entourage familial chaleureux. Pour Damas Gisimba Mutezintare, responsable de l’orphelinat Gisimba, « les enfants qui grandissent dans de tels établissements manquent aussi du sens de la responsabilité ».
Par Venant Nshimyumurwa