Espérant une meilleure production sur leurs terres surexploitées et épuisées, les paysans de Rutshuru (Nord-Kivu) se tournent vers le soja au rendement meilleur. Mais encore faut-il le vendre à bon prix aux Ougandais…
Syfia International
Tout le mois de septembre, Sivirwa Katungu l’a passé à remplacer les haricots de son champ par du soja. Elle s’est inspirée de son voisin.
« Nous avons presque la même étendue de champ, mais, à la saison culturale passée, il a réussi à produire deux sacs de soja quand je ne fait même pas un sac de haricots », se plaint-elle. En cause : l’épuisement de la terre de sa parcelle : « Je ne peux pas laisser mon petit champ en jachère et aller cultiver ailleurs ; je n’ai que ça pour ma survie. Pour trouver un quart d’hectare, il faut 100$ : or je ne gagne même pas la moitié en deux saisons culturales », explique-t-elle.
Comme elle, de nombreux cultivateurs de Rutshuru au Nord-Kivu surexploitent le sol jusqu’à le rendre pauvre. Ainsi, selon Fidèle Safari, technicien de développement rural à l’ONG Human Dignity on World (HDW), des cultures comme celle du maïs ne produisent plus assez sans engrais. « Il est difficile de faire comprendre cela aux paysans de cette région », estime-t-il. Le soja, adapté au climat particulier de Rutshuru, consomme les nutriments de la terre mais en restitue une partie grâce à sa capacité de fixation de l’azote atmosphérique, même dans des conditions de sol pauvre.
Reconversion
A la suite de résultats encourageants constatés empiriquement, bon nombre de paysans se sont alors lancés dans la culture du soja. Selon Henri Oscar, chef du service agricole au Centre de développement rural de Kibutu (CEDERU), d’autres raisons motivent les agriculteurs depuis cinq ans que cette tendance existe : « Le vol de soja dans les champs est moins fréquent que pour les autres légumineuses (haricots, arachides…) qui sont davantage consommées localement. Le soja est donc devenu un moyen pour épargner de l’argent. Car on peut le stocker plusieurs mois et le revendre lorsque les prix sont favorables. »
Néanmoins, les paysans ne profitent pas toujours de cette aptitude à se conserver grâce à la résistance du soja aux insectes ravageurs. « Je voulais garder mon soja jusqu’à ce que le sac coûte au moins 45$ mais mes enfants souffraient et je n’avais pas d’autre possibilité, pour les soigner, que de vendre mon soja. J’en ai obtenu un prix dérisoire », se rappelle Syalingana Kavira.
Des revendeurs tirent profit de ces situations, lorsque les paysans sont acculés à la vente. « Les acheteurs ougandais nous déposent leur argent et nous demandent de chercher du soja. En 2011, ils ont payé le sac 55$. Mais, à la première récolte de cette année, ils voulaient le sac à 33$, à prendre ou à laisser. Et nous-mêmes devons proposer moins aux cultivateurs afin de prendre une commission », avoue un acheteur local.
Bonnes variétés, bonne récolte
La culture de la pomme de terre connait une vraie révolution à Mbanza-Ngungu à 245 km de Matadi, depuis que l’association des maraichers a obtenu d’une firme belge des variétés plus rentables et adaptées à leur environnement. Cette année, les maraîchers réunis au sein de « Nsimbani » ont planté 15 tonnes de semences sur 15 ha, soit trois fois plus que les précédentes années. Ils sont en pleine récolte et déjà, les résultats sont fameux. « La variété Red Pontiac me donne déjà 250 kg par are », se réjouit Blandine Yukula qui a cultivé sur 2,5 ha.
Outre cette variété, les maraichers ont aussi planté le Tebina, Spunta, Nicolas et Kennebec. « C’est grâce à ce bon choix que nous avons un bon rendement », se félicite Matota Totoshi, un autre maraîcher.
Encadrés par l’ingénieur Bruno Kitsiaka, un expert en horticulture, les agriculteurs misent sur la qualité des semences qu’ils achètent en France et en Belgique mais aussi sur les méthodes culturales. « Ce sont des facteurs déterminants en agriculture », observe celui-ci. Grâce à ces variétés, les étals de la cité de Mbanza-Ngungu sont désormais achalandés des pommes de terre de gros calibres qui n’étaient pas visibles auparavant. Cependant, les maraîchers ont du mal à écouler leur récolte. Ils se plaignent de la concurrence sur le marché de la pomme de terre importée de Chine qui fait casser le prix. « Il faut que l’Etat se penche sur ce problème pour ne pas les décourager », plaide Kitsiaka.
Par Alphonse Nekwa Makwala, Evariste Mahamba