Ces derniers mois, plusieurs viols impliquant des pasteurs ont été médiatisés. Autrefois passées sous silence, les agressions sexuelles commises par des hommes d’Eglise autoproclamés, se croyant protégés par leur statut, sont désormais davantage dénoncées.
Syfia International
Les parents fidèles des Eglises de réveil s’inquiètent de plus en plus du nombre d’agressions sexuelles commises par des pasteurs. Les mentalités changeraient-elles ? Autrefois passés sous silence, ces actes sont désormais davantage dénoncés. «Dans le passé, par respect et considération pour eux et leur fonction, nous évitions de porter ce genre de problèmes sur la place publique. Pour ne pas ternir l’image de l’Eglise», explique Ernest Kadiwaku, ancien d’une Eglise de réveil locale.
Peut-être en partie grâce à la vulgarisation, par les ONG, de la loi 016/18 du 20 juillet 2006 relative aux violences sexuelles, nombre de fidèles ont rompu la loi du silence. « Nous avons décidé de ne plus protéger des pasteurs autoproclamés, sans foi ni loi, qui abusent des jeunes filles de leurs églises, alors qu’ils sont censés les encadrer pour la prière », avertit un parent membre du conseil paroissial d’une église de Matadi.
Sur la place publique
Des affaires de mœurs sont ainsi sorties de l’ombre. A Matadi, le pasteur d’une communauté réputée est en fuite, suite au viol, fin octobre dernier, d’une enfant de 6 ans membre de sa paroisse. Il était passé aux aveux après un interrogatoire serré des voisins du quartier. Mais, menacé par la famille de la victime, furieuse, il a quitté son foyer et s’est réfugié dans un pays voisin.
Un autre serviteur de Dieu connu dans la ville portuaire de Matadi, s’était aussi rendu coupable de viol. Il a opté pour un arrangement à l’amiable. La famille de la fillette violée lui a réclamé 27 millions de FC (30 000$) de dommages et intérêts. Pour faire face, il a dû vendre sa parcelle construite dans un quartier huppé.
A Boma, autres lieux, mêmes faits. Un pasteur de 54 ans a été surpris en flagrant délit de viol au domicile familial de ses victimes. Il a été condamné, mi-novembre 2012, à 20 ans de prison et à 1 million de FC (1111$) de dommages et intérêts. « C’était au cours d’une audience foraine. Les faits étaient le viol, le même jour et dans les mêmes conditions, de cinq sœurs âgées de 2, 4, 6, 8 et 10 ans », selon une source judiciaire bien placée de Boma.
Sans contrôle
Ces affaires sont l’un des symptômes du pullulement incontrôlé, à Matadi et dans l’intérieur de la province, des Eglises de réveil et traditionnelles, dont la plupart ne disposent d’aucune personnalité juridique.
Armés de la Bible, des pasteurs autoproclamés, sans formation théologique, ne cherchent qu’à s’enrichir. Au passage, quelques-uns promettent monts et merveilles pour abuser sexuellement de leurs fidèles. En colère, un habitant de Mvuadu (Matadi), assure que « leur objectif primordial n’est pas de prêcher la Bonne Nouvelle, mais plutôt de sucer les finances de leurs fidèles et d’abuser de leurs femmes et de leurs filles ».
Sa colère est nourrie par une affaire récente : en janvier 2013, le pasteur d’une Eglise de réveil de Mvuadu était arrêté et condamné à 20 de prison par le tribunal de grande instance de Matadi. Il avait violé une fillette de 10 ans, chez elle, en l’absence de ses parents et frères. Acculé par les voisins du quartier, il a avoué les faits. Mais a sollicité, des trémolos dans la voix, une clémence… Car « une faute avouée est à moitié pardonnée », jugeait-il.
Dénoncer
Didienne Bunga, chef de la Division provinciale du genre, famille et enfant, rappelait, lors d’un atelier organisé en décembre dernier par le Réseau des femmes pour le développement (REFED), la nécessité de porter ce genre de faits devant la justice. « Il n’y a pas de guerre au Bas-Congo. Aussi il est inexplicable que les cas de viols augmentent », estime-t-elle. Elle critique par ailleurs la liberté provisoire souvent accordée aux auteurs de ces faits, qui en profitent pour fuir. 80% des cas de viols sont encore réglés à l’amiable dans la province du Bas-Congo, selon des spécialistes de la réinsertion familiale, également présents à cet atelier.
Il en va aussi de la réputation des « bonnes » Eglises. Pour Alain Bilota, avocat au barreau de Matadi, « il faut obligatoirement traîner devant les cours et tribunaux tout cas avéré pour redorer l’image de ces Eglises et rendre leur honneur aux femmes ainsi abusées ». Un éducateur social de la ville n’hésite pas, de son côté, à critiquer la crédulité de fidèles : « Il faut cesser de croire et de considérer les pasteurs comme des êtres extra-terrestres par qui passerait nécessairement leur salut ». La responsabilité principale restant, bien entendu, dans le chef des « pasteurs »…
Par Emmanuel Lukeba