La nouvelle Association de Rencontre culturelle au Québec (ARCQ) a invité pour sa première Akli D, un artiste militant berbère, accompagné par Hafid Djemai, auteur compositeur originaire de Bejaia (en Algérie), aussi connu pour sa participation dans les concerts d’Enrico Macias. Touki Montréal a rencontré les deux artistes la veille de leur spectacle du samedi 18 mai au Théâtre le Château.
Qui est Akli D ?
«Mon nom d’artiste est Akli D. Je vis à Paris et je suis originaire de la région de Kabylie, en Algérie. Je suis musicien professionnel uniquement depuis 10 ans. Avant je jouais dans les places de Paris, les bars, le métro, etc. Un jour j’ai rencontré un batteur, Herve Lebussier, qui me présenta Al Sur, un label de musique du monde. J’ai donc enregistré mon premier album dans un hangar et il est sorti a la fin de l’année 1999.
Pour le deuxième album j’ai rencontré Manu Chao qui a décidé de me produire avec la participation de Hakim Hamadouche (NDLR musicien mandoluth de Rachid Taha) suite à ma chanson Good Morning Tchetchenia.
Je viens de finaliser un album expérimental de musique française rocky, deux styles qui ne sont pas les miens, mais je me sentais obliger d’essayer pour savoir déjà ce que je voulais faire et pas faire dans mes prochains albums, mais aussi parce que je suis quand même en France depuis 30 ans.»
Et Hafid Djemai ?
«Mon premier album solo est sorti en 2001, à Paris. Je suis issu d’une famille de musicien, de père en fils. Nous avons toujours fait du Chaabi et de l’Andalou dans la famille. Avec l’avènement des nouveaux instruments certains d’entre nous ont essayé donc de moderniser la musique à travers la fusion et l’introduction de nouvelle sonorité.
Je connais Montréal depuis déjà trois ans lors de mon passage avec Rabhi. Je suis revenu plusieurs fois en tant que musicien d’Enrico Macias. Alors je connais bien les attentes du public montréalais, sa joie de vivre contagieuse ainsi que sa réceptivité.
Je chante en Kabyle et en Arabe dialectal, même si mon prochain album est strictement en Kabyle, quand j’interprète le Chaabbi je ne peux que le faire en arabe.»
On milite, mais on ne fait pas la guerre
Les deux artistes, d’origine kabyle, n’ont montré aucune aversion envers la culture arabo-algérienne, mais plutôt une tristesse fasse à la destruction voulue de la culture amazighe en Algérie, mais aussi de la culture en général.
Akli D dit militer beaucoup pour la reconnaisse de son identité, de sa culture et de son histoire. «Mais je ne suis pas raciste, précise-t-il. Alors oui je pourrais chanter en arabe, mais au fait je n’ai pas grandi dans un environnement Chaabi comme Hafid.»
«On ne peut pas décider de faire un style de musique parce qu’on le veut, on le fait parce qu’on l’est, ajoute Akli. Cela ne m’empêcherait pas de chanter bien en arabe si un jour il y a un thème qui m’interpelle et nécessite de chanter en dialectal arabe afin de faire passer le message.»
Pour Hafid le problème culturel en Algérie se situe dans le manque d’investissement et d’infrastructure nécessaire pour le développement de l’ouverture culturel ainsi que le développement du potentiel artistique et créatif de la population algérienne. Il prend comme exemple la ville de Bejaia : «Avec plus de deux siècles d’histoire, [elle] n’a rien à offrir à ses artistes qu’une petite salle de cinéma, un théâtre de moins de 400 personnes et une maison de la culture qui ne porte pas bien son nom.»
Il ajoute : « Quelque soit le niveau atteint de notoriété ou de maîtrise, a un moment donné, le même artiste ne peu pas jouer toutes les semaines dans la même salle, il faut donc attendre un an ou deux pour pouvoir rejouer. En France ou au Canada par contre il y a une multitude de salles, donc un artiste peu jouer un peu partout avant de retourner jouer à la même salle».
Au final, les deux musiciens sont d’accord sur le fait que le gouvernement algérien ne fait rien pour la culture actuellement comparativement au Maroc voisin par exemple, d’où la raison de l’exode artistique à l’étranger.
Ils identifient aussi un autre problème qui est la dépendance étatique de la population, qui démontre un esprit de désengagement face à leur propre avenir. «En Algérie on attend trop de l’état, le peuple ne prend pas sa part de responsabilité, on nous a habitués à cette dépendance étatique, explique Hafid Djemai. Il n’y a pas d’association du peuple pour quelconque développement ou initiative culturels.»
Akli D va dans le même sens. « Il faut se battre pour sa musique et ses projets. Il n y a rien qui est acquis dans la vie, connaître la musique certes… mais le plus dure c’est de faire connaître ça musique. Même si les temps deviennent de plus en plus difficiles, ce sont ces difficultés même qui poussent a une meilleure créativité et à l’aboutissement de meilleur projets et de plus grande qualité… Si on ne rencontre pas de difficultés, c’est qu’on ne fait pas bien les choses».