La maison d’édition québécoise Mémoire d’encrier vient de publier Première Nuit, une anthologie du désir dirigée par Léonora Miano. L’écrivaine tout juste couronnée du Prix Femina pour son roman La saison de l’ombre a invité dix écrivains «des mondes noirs» à raconter une première nuit d’amour.
Le choix de l’érotisme n’est pas fortuit. Il s’inscrit en ligne droite dans la démarche idéologique identitaire de Léonora Miano. L’auteure a constaté que la littérature africaine comportait très peu de scènes d’amour. Elle a donc décidé de remédier à ce qu’elle considère comme une conséquence de la « racialisation »
«La racialisation, ce processus à travers lequel l’individu perd le statut de sujet pour devenir un objet racial(isé), a consisté, pour ceux que l’Histoire a définis comme Noirs, à les considérer avant tout comme des corps.»
Les nouvelles réunies dans Première Nuit répondent à la violence de l’Histoire par la simplicité évidente des corps qui se rencontrent. L’érotisme est un terrain universel, placer le désir au cœur de la démarche littéraire c’est donc avant tout de mettre en scène des individus, des hommes et des femmes.
Alfred Alexandre, Edem Awumey ou encore Insa Sané prennent donc la plume pour raconter des premières nuits. Toutes ne sont pas tendres, ni attendues, et les multiples écritures les éclairent sous des jours bien différents.
Il est question de renaissance, de rapport à l’Autre, de rapport à soi, d’amour bien sûr, dans ces onze nouvelles. Oniriques, frémissantes ou mélancoliques, elles nous invitent à considérer la diversité des individus et de leurs expériences. Leurs mots donnent corps à des personnages dont la sensualité est bien souvent mise de côté : des victimes de la guerre, une jeune musulmane voilée, un prostitué.
Dans la préface de l’anthologie, Léonora Miano explique avoir rassemblé là uniquement des écrivains masculins parce que « l’idée d’une femme passant commande à dix hommes d’une nouvelle sur le désir [la] séduisait». Mais, également, parce qu’elle projette de renouveler l’expérience dans un second projet cette fois entièrement féminin, prolongeant alors son interrogation sur l’intime et le corps.
Une suite que l’on attend donc avec intérêt !