Dans la province du Bas-Congo, au sud-ouest de Kinshasa, des Ong pour survivre acceptent de rétrocéder près de la moitié du financement reçu aux agents locaux des bailleurs de fonds. Si elles ne le font pas, leurs projets n’ont aucune chance d’être acceptés. C’est le cas de plusieurs d’entre elles qui refusent ce système.
Syfia International
Le mot est bien connu des Ong du Bas-Congo : la « rétro-commission », baptisée « opération retour ». C’est le Graal des agents locaux des bailleurs de fonds qui ont entre leurs mains le destin des projets à valider. « Elle consiste à rétrocéder au bailleur près de la moitié du financement reçu », explique Jean Paul Digata, responsable d’une Ong basée à Matadi.
« Pour ne pas fermer nous rétrocédons, à chaque financement, 40 % à notre bailleur par le truchement de ses agents locaux. Le reste nous permet d’exécuter quelques activités du projet financé… « , confie un cadre du Réseau femme et développement (Refed).
Nombre d’Ong du Bas-Congo agissent ainsi car .depuis quelques années, la rétro-commission est devenue la condition pour accéder à un financement. Cette pratique a cependant étouffé nombre d’Ong de la province dont certaines ont tout simplement fermé. Sur les principales artères des grandes villes et cités de la province où elles avaient installé leurs sièges ne restent que leurs belles enseignes.
Manque de suivi des bailleurs
Le secrétaire exécutif permanent du Conseil régional des organisations non gouvernementales du Bas-Congo (Crong), Jules Bengo, charge lui aussi « les agents locaux au service des bailleurs de fonds qui, sans vergogne, exigent des pots-de-vin aux Ong ». Cependant toutes ne sont pas tombées dans ce travers.
Curieusement, celles qui ont refusé en optant pour une gestion saine et transparente de l’argent reçu ont vu leurs noms rayés de la liste de leurs bailleurs de fonds par la seule volonté de ces intermédiaires locaux. Au nombre d’Ong locales privées depuis quelques années de financement figurent l’Association pour la santé familiale (Asf), le Centre pour la récupération des enfants vulnérables (Ceprev), le Centre de production et de développement agricole (Ceproda) etc.
Omer Panda, directeur administratif et financier du Ceproda, ne s’explique pas pourquoi ils doivent encore soustraire de leurs finances quelque chose pour des gens régulièrement payés. « Je pense que nos bailleurs de fonds devraient nous envoyer de temps à temps leurs inspecteurs nous contrôler et, éventuellement, faire le suivi de ce que nous réalisons sur terrain », suggère-t-il.
L’un des agents locaux payés par l’Etat justifie, lui, « l’opération retour » par le maigre salaire que leur versent l’employeur et qui ne leur permet pas de nouer les deux bouts du mois. « Je touche 45.000 FC (50 $) et suis père d’une famille nombreuse. En tout cas, sans cette opération je ne saurai scolariser ni nourrir ma progéniture », se défend-t-il.
Un avis que partage Valentin Vangi, président de la Société civile du Kongo-central (Socikoc) qui estime que c’est de « l’incivisme caractérisé qui ne mérite pas d’être encouragé ». « Tout projet, poursuit-il, doit être budgétisé et c’est sur base de ce budget qu’il est exécuté. Où trouver la différence de fonds à compléter s’il faut graisser les pattes de ces agents locaux sur le même financement ? ».
Par Dieudonné Muaka Dimbi