Des centaines de creuseurs artisanaux envahissent depuis plusieurs mois le quartier Kasulo à Kolwezi (Katanga), à la recherche de l’hétérogéniste dans des parcelles résidentielles, désormais transformées en carrières minières. Ni les éboulements de galeries causant mort d’hommes, ni les appels des autorités n’arrivent à les dissuader.
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Debout à l’entrée de sa maison au quartier Kasulo à Kolwezi au Katanga, Marceline Kabole, la cinquantaine révolue, contemple des creuseurs qui s’affairent depuis quelques jours dans sa parcelle pour extraire de l’hétérogéniste, minerai contenant du cuivre et du cobalt.
Des galeries souterraines dépassant les quinze mètres de profondeur, ils ont déjà extrait ce jour une dizaine de sacs de 50 kg d’’hétérogéniste à l’état brut. « Je dois surveiller pour savoir combien de sacs ils sortent à la fin de la journée, explique Kabole. Nous nous sommes convenus qu’une fois le minerai vendu, j’ai droit à 30 % ».
Dans les comptoirs installés à travers la ville de Kolwezi, 300 km à l’ouest de Lubumbashi, dans l’un des plus riches bassins miniers des hauts plateaux du Katanga, un sac de 100 kg d’hétérogéniste est vendu à 120 mille FC (environ 133 $).
De quoi rendre vigilants ceux qui accordent aux creuseurs artisanaux l’autorisation d’exploiter leurs concessions. « A la moindre inattention, ils peuvent vite soustraire des sacs de minerais et me payer en fonction de ceux que je vois. Là, c’est moi qui perds parce que c’est ma parcelle qu’ils exploitent », soutient Felly Kabeya, un autre résident de Kasulo.
La mort attire les creuseurs
« Avec le retour de la prochaine saison de pluie, quelques jours seulement vont suffire pour que le quartier Kasulo disparaisse de la carte », alerte Jules Mbuyu. Des allées créées sous terre par des creuseurs vont dans tous les sens. Elles traversent parcelles, routes… Ce qui fait craindre à cet acteur de la société civile de Kolwezi, des éboulements à grande échelle qui peuvent selon lui engloutir des habitations et causer d’importants dégâts environnementaux, matériels et humains. En juillet dernier en pleine saison sèche, un éboulement s’est d’ailleurs produit sur ce site.
Bilan : trois morts, tous des creuseurs artisanaux. Mais ce drame a produit l’effet contraire. « Au lieu de décourager ces creuseurs, la nouvelle de cet éboulement en a alerté d’autres qui ont massivement afflué sur le site, transformant du coup tout un quartier résidentiel en une carrière minière », regrette Mbuyu. Dans le milieu des creuseurs en effet, une croyance répandue veut que lorsqu’une carrière minière enregistre des pertes en vies humaines, elle devient plus rentable.
« Ce que j’ai gagné ici m’a permis de me procurer une autre concession ailleurs », affirme Luc Nawej. Conscient qu’au retour de la pluie les eaux vont emporter sa parcelle, Nawej dit accélérer la construction de son nouveau logis pour éviter de se retrouver dans la rue.
Des creuseurs pas prêts à désarmer
Après le drame de Kasulo, le ministre provincial de l’Intérieur a pris une mesure interdisant toute exploitation des minerais dans ce quartier.
Juvénal Kitungwa avait donné un mois aux creuseurs présents sur le site pour évacuer leur butin. Avant lui, le maire de Kolwezi avait déjà interdit l’exploitation de ce site, promettant d’en trouver un autre pour orienter les creuseurs et prévenir la menace de disparition qui pèse sur ce quartier. Mais depuis, le nombre de creuseurs sur le site continue à augmenter.
Avec la complicité des propriétaires des concessions, aucun ne se dit prêt à partir. L’argument qu’ils opposent aux autorités pour justifier leur refus de quitter le lieu est la peur du chômage. « Les autorités nous demandent de quitter le site, c’est bien. Mais qu’elles nous disent où nous devons aller parce que nous n’avons pas d’emploi », se justifie Junior Kazadi.
Pour ce creuseur, il est difficile que lui et ses collègues, qui se comptent par centaines, quittent « un site si juteux au simple appel de l’autorité ». « Ou sinon ils veulent nous voir tous prendre des lances et de flèches pour rejoindre les Bakata-Katanga (un groupe de miliciens Maï-Maï très actifs au Katanga, Ndlr) ».
Par Maurice Mulamba