Les comités d’alerte créés dans les écoles permettent de dénoncer et sanctionner les enseignants violeurs qui connaissent désormais les sanctions qu’ils encourent. Les viols d’élèves sont en effet monnaie courante au Sud Kivu, liés à la banalisation de ce crime et au coût très élevé du mariage.
Syfia International
Les enseignants qui violent leurs élèves sont désormais bien informés des sanctions qu’ils encourent au Sud-Kivu, à l’est de la RD Congo. Depuis un an, en effet, les autorités scolaires provinciales, ont créé dans des écoles pilotes des comités mixtes réunissant des parents, des autorités scolaires et des élèves pour faire le suivi des violences sexuelles basées sur le genre (VSBG) à l’école.
Le système d’alerte consiste à envoyer un sms aux enseignants, aux parents de l’élève concerné et aux autorités scolaires en cas de violence constatée.
?Dans nos dernières discussions, les autorités scolaires ont décidé d’intégrer des sanctions en rapport avec les violences sexuelles à l’école comme avenant à la convention qui lie les enseignants et l’Etat congolais?, a expliqué l’inspecteur d’enseignement Emmanuel Gashamba, dans son émission télé animée par l’association des parents d’élèves et le syndicat des enseignants. Des séances de sensibilisation sur la dénonciation des cas de viols à l’école sont aussi organisées par les enseignants et les élèves.
Le viol banalisé
Au Nord et au Sud-Kivu, en effet, 18% des viols, qui ont été enregistrés, ont été perpétrés à l’école par des enseignants sur des filles mineures selon le rapport du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP).
Les guerres, l’impunité, l’insécurité et l’état d’exception qui sévissent depuis 1994 ont banalisé le viol à l’est de la RDC. Aujourd’hui la prison regorge de prévenus violeurs. ?Nous recevons plus de 40 cas de viols par jour et à la prison centrale de Goma, 90% des emprisonnements le sont pour viols?, déclare sous anonymat, un officier de police judiciaire à Goma. Selon un rapport du ministère du Genre et du FNUAP, le Nord-Kivu se distingue par le nombre le plus élevé de viols du pays.
?En classe, notre professeur de technologie me disait l’an passé que j’avais un bon corps et que par conséquent, je peux faire une bonne femme?, témoigne ainsi Dida*, âgée d’une quinzaine d’année, lors d’un counseling (réunion pour des conseils psychologiques) à Goma. ?Un jour, il m’a demandé de l’attendre après les cours et en a profité pour me violer sur un pupitre en classe?, ajoute-t-elle en sanglotant.
Pierrot Bahanuzi, un enseignant syndicaliste est formel. Pour lui, les VSBG à l’école diminuent la concentration des élèves pour certains, entraine une perte de l’intérêt aux études et engendre dépression et anxiété pour d’autres. Certaines élèves en arrivent à changer d’établissement scolaire ou à abandonner définitivement leurs études. Des grossesses non désirés, des avortements et des maladies sexuellement transmissibles dont le VIH/sida, sont aussi les conséquences de ces violences.
?Dot devenue chère et en dollars?
Le coût important de la dot est un des facteurs qui explique ces nombreux viols. Auparavant les parents de la fille choisissaient les vaches convenues pour la dot au sein du troupeau de la famille du garçon après en avoir discuté ensemble.
?Actuellement, la dot est devenue chère et discutée en dollars, ce qui fait que le mariage est devenu onéreux, et les jeunes sont sacrifiés à l’autel du viol. Cette marchandisation de la femme cristallise les relations intimes réputées secrètes et difficiles à contrôler entre des personnes non officiellement engagées?, rappelle un enseignant célibataire. Aux dires de Célestine Nabahavu, défenseure des droits de la femme, les VSBG en milieu scolaire sont plus fréquentes quand les victimes sont encore au début des études et plus au village qu’en ville.
En général, ces victimes préfèrent le recours aux instances traditionnelles ou familiales. P.Bizimana, regrette que, malgré les conseils donnés sur les possibilités offertes par la loi de saisir la police ou le tribunal de grande instance, très peu d’entre elles se plaignent par peur des représailles, par manque de confiance dans les instances judiciaires et à cause des longues distances à parcourir pour y accéder.
Par Thaddée Hyawe-Hinyi