A Pointe-Noire, depuis près de 30 ans, Régine Goma « appelle un chat un chat » pour mieux prévenir et lutter contre le VIH/Sida. Dans les médias, les écoles, les marchés, les entreprises, son franc-parler aide la population à davantage se protéger.
Phallus en bois et préservatifs en main. Quand elle est invitée sur les plateaux des télévisions, Régine Goma, 50 ans environ, montre le port du préservatif masculin ou féminin, sans passer par quatre chemins.
A Pointe-Noire, cette veuve, mère de trois enfants, est aussi connue que les autorités. Une notoriété qu’elle doit à son engagement dans la lutte contre le VIH/sida et les violences faites aux femmes dans ce domaine.
« Ce n’est pas facile, en raison des barrières culturelles et psychologiques de nos sociétés. Mais, comme il s’agit de sensibiliser sur une maladie grave, je suis obligée de briser ces tabous. Il faut appeler un chat un chat pour une meilleure compréhension du message par le public », soutient Régine Goma, animatrice sociale de formation.
Le public, justement, apprécie sa personnalité. « C’est une femme qui a fait tomber le masque de la honte en matière de lutte contre le VIH/Sida », reconnait Blanche, une téléspectatrice, qui suit habituellement les sensibilisations télévisées de Régine. Cette dernière mène son combat sur plusieurs autres fronts : écoles, marchés, entreprises, églises, quartiers, etc.
« Parmi les pionnières »
Pour Hermann Malanda, responsable de communication, études et projets à la direction de l’hygiène générale à Pointe-Noire, « madame Goma a eu le mérite, dans ses communications, de dire des choses avec des mots que d’autres évitent. Cela fait sa force dans le domaine. Elle est également parmi les pionnières de la prévention du VIH. »
« A l’époque, au Congo Brazzaville, peu de gens connaissaient les modes de contamination et de prévention du Sida. Les malades étaient marginalisés dans les hôpitaux. Nous avons contribué à faire bouger les choses en changeant le regard que le personnel de santé portait sur les malades à travers la diffusion d’informations sur les modes de contamination », se souvient Régine Goma.
Après avoir présidé aux destinées du programme régional de lutte contre le sida dans le Kouilou de 1989 à 1995, elle crée en 1996, l’Agence régionale d’information et prévention contre le VIH/Sida (ARIPS). Pour Régine, cette association de 122 membres, « a contribué à la rédaction des textes sur la gratuité des antirétroviraux (ARV) au Congo Brazzaville ainsi que la gratuité des tests de dépistage du Sida. »
Grâce à ces mesures, ces dernières années, le taux de prévalence chez les Congolaises et Congolais de 15 à 49 ans continue de diminuer. Selon l’Onusida, il est passé de 3,2 % en 2010 à 2,8 % en 2014.
Sur les traces de maman…
Depuis près de 30 ans, Régine Goma, toujours souriante, combative et imposante par sa taille, poursuit sa croisade nationale et internationale contre le Sida. Parfois au péril de sa vie.
« En 1992, j’ai failli mourir dans un accident de pirogue, sur le chemin de Nzambi. Je m’y rendais pour informer des populations de ce district du Kouilou », se souvient encore Régine, 23 ans après.
Pourtant, même aujourd’hui, elle n’envisage toujours pas d’arrêter son combat : « Je continuerai tant que j’aurai des forces. On ne peut pas affirmer que les gens ont à présent toujours des relations sexuelles protégées, que le sang est toujours bien analysé et les instruments toujours bien stérilisés. La malhonnêteté règne quelque fois. »
Portée, semble-t-il, par la même détermination, Louamba Bellja, la fille de Régine, suit les traces de sa maman. Elle évolue actuellement au sein de l’Unité départementale de lutte contre le sida (UDLS) à Pointe-Noire après avoir été responsable des jeunes à l’antenne de l’Association congolaise pour le bien-être familial (ACBEF). Prendra-t- elle les commandes de l’association de sa mère, une fois cette dernière à la retraite ?
Pour l’heure, Régine Goma continue inlassablement d’informer les populations, notamment sur les ondes de Radio Pointe-Noire, dans son émission « Bimoko » (« Causeries », en kituba). Ses conseils, résolument pratiques et francs, visent en particulier les jeunes femmes.
Par Mankou Serge Patrick