Dans une France aux prises depuis des décennies avec une crise sociale sans fin dans les quartiers défavorisés, Abdelilah Laloui représente aux yeux de certains un bol d’air frais bienvenu. De l’autre côté de l’Atlantique, le jeune homme de 20 ans devient peu à peu un visage familier des médias, d’abord grâce à son association, Tous curieux, remarquée et saluée jusque par le monde politique. Créée alors qu’il était au lycée (l’équivalent français de la fin du secondaire), elle promeut la culture auprès des jeunes des banlieues.
Aujourd’hui, le récit de son parcours dans Les baskets et le costume (Éditions JCLattes) pousse Abdelilah Laloui davantage dans la lumière. Plus d’un journaliste s’intéresse à l’histoire de ce garçon, qui, après passé une partie de son enfance dans une zone difficile près de Paris, s’est retrouvé à Sciences Po, l’une des écoles les plus prestigieuses du pays (plusieurs présidents de la République et premiers ministres y sont passés), et même attaché parlementaire d’un député français.
Empreint de bons sentiments (parfois un peu trop), Les baskets et le costume rassure en partie : oui, un jeune qui n’a clairement pas les bonnes cartes en main au départ peut s’en sortir.
Pour autant, il serait injuste de décrire Abdelilah Laloui comme naïf: il sait que pour une seule remarquable réussite, les échecs se comptent, eux, en (dizaines de) milliers, à cause notamment de l’inégalité des chances qui gangrène les banlieues françaises où vivent beaucoup d’enfants d’origine africaine.
Du reste, c’est surtout le hasard qui a permis à l’adolescent de passer entre les gouttes de la violence quotidienne, du racisme, d’un système éducatif épuisé par une mission impossible à accomplir dans de telles conditions.
Certes, Abdelilah Laloui était doué, aimait apprendre, mais sans jamais envisager la possibilité de sortir de son carcan. Le hasard, incarné par une émission de télé où différents écrivains expliquent comment la lecture a changé leur vie, a servi de détonateur.
La rencontre avec Rachid, un bibliothécaire auquel le jeune a pu s’identifier, et le soutien maternel ont permis au jeune homme de dépasser les complexes devant une activité intellectuelle qui semblait jusqu’alors réservée aux autres.
Outre ce plaidoyer pour la culture, le premier livre d’Abdelilah Laloui relate aussi le chemin que doit parcourir son auteur pour endosser pleinement une identité aux multiples facettes. Une identité où se mélangent la France et le Maghreb, la banlieue et Science Po, le costume et les baskets. L’acceptation s’avère d’autant plus difficile que plus d’un semble toujours se porter candidat pour rappeler au jeune homme la prétendue incongruité qu’il représenterait.
En cela, la médiatisationautour des Les baskets et le costume permettra peut-être à d’autres Abdelilah Laloui d’éclore et de briser enfin le plafond de verre qui perdure dans la société française.
Photos Courtoisie: JC Lattes et Facebook