En Afrique subsaharienne, une personne sur quatre utilise des produits éclaircissants pour la peau, selon une étude récente de la revue scientifique The International Journal of Dermatology. Véritable problème de santé publique et drame sociétal, plusieurs voix s’élèvent pour lutter contre cette tendance destructrice.
«La première fois que je me suis dépigmentée, on était invitées à la radio. J’étais la seule et unique invitée à avoir le teint noir dans le groupe et je me suis sentie misérable.»
Ce sont les mots de Soda Diouf, dans le documentaire Cette couleur qui me dérange.
Réalisé en 2012 par la documentariste sénégalaise Khardiata Pouye, le reportage recueille les témoignages de plusieurs Sénégalaises qui se sont dépigmentées pendant des années.
Soda en faisait partie. Assise devant chez elle, le visage couvert de brûlures cicatrisées, elle parle de la première fois qu’elle a utilisé des produits éclaircissants.
À l’époque, elle était animatrice de cérémonie. Elle avait dépensé la totalité de son salaire (12 000 francs CFA soit 27,7 $ CAD) pour faire une concoction maison: un mélange de lait oxydant, de citron, de dissolvant et de crèmes éclaircissantes, qu’elle a fait bouillir, fermenter, puis appliqué sur son corps.
«C’était fort, tellement fort qu’il fallait s’enfermer dans sa chambre et sautiller pendant au moins une demi-heure pour que ça se calme. Au bout de dix jours, tu deviens claire», explique-t-elle, face à la caméra.
L’histoire de Soda, c’est une histoire parmi tant d’autres.
Malgré sa dangerosité avérée, la dépigmentation artificielle a le vent en poupe en Afrique subsaharienne. Certains pays sont plus touchés que d’autres. C’est le cas du Sénégal, de la République démocratique du Congo ou encore de la Côte d’Ivoire.
À Abidjan (la capitale ivoirienne), par exemple, 53 % des femmes âgées de 15 à 45 ans utilisent des produits éclaircissants, dans le but d’obtenir une peau claire. C’est ce qu’a révélé une étude menée par le professeur Joseph Elidjé Ecra, dermatologue au centre hospitalier universitaire abidjanais (CHU).
Par Ina Kouamé