Publié aux éditions Emmanuelle Colas, Coeur du Sahel de l’auteure camerounaise Djaïli Amadou Amal raconte un peu le quotidien de jeunes filles de l’extrême-nord du Cameroun, obligée de faire des ménages et plus pour survivre.
Deux ans après avoir raflé à la surprise le prix Goncourt des lycéens en 2020 pour son magnifique roman « Les Impatientes », Djaïli Amadou Amal revient avec une nouvelle histoire aussi passionnante, attendrissante que tristounette, mais qui revient une nouvelle fois sur la condition des femmes.
Le décor de cette nouvelle histoire se passe dans l’extrême-nord du Cameroun. Kondem, une femme de famille, doit élever toute seule sa marmaille depuis que son mari a disparu pour on ne sait quelle raison.
Plusieurs dans le village soupçonnent qu’il se doit fait emprisonner par les terroristes de Boko Haram. D’autres pensent qu’au contraire, il est devenu un prisonnier après une énième razzia dans la région.
Sans pourvoyeur de fonds dans la maison, la mère a du mal à nourrir sa grande fille Faydé et ses jeunes frères et sœurs. L’aînée décide donc d’aller dans la ville la plus proche pour trouver du travail comme toutes les filles de ce village, situé dans les montagnes dans l’extrême-nord du Cameroun.
À Maroua, cet eldorado, la gent féminine se retrouve souvent derrière les fourneaux ou à nettoyer les concessions comme femme de ménage, domestique ou encore comme bonne, selon le terme consacré au Cameroun.
Sauf que la mère de Faydé refuse tout sec que son aînée fasse le métier qu’elle a déjà fait dans une vie antérieure. En fait, c’est un lourd secret que la mère de famille a dissimulé au fonds d’elle-même.
La jeune adolescente décide néanmoins de partir à Maroua, aidée par son amie et fille de la meilleure amie de sa mère. C’est ainsi que Faydé par un de ces concours de circonstances de toute fiction se retrouve dans le même quartier ou sa mère longtemps avant elle a fait le même métier.
Faydé découvre un autre monde. Oui, Djaïli Amadou Amal a puisé dans son inspiration, mais lorsqu’elle narre cet univers dans laquelle les ménagères travaillent sans arrêt. Ce qui fascine toujours dans le monde de l’auteure camerounaise, c’est sa description juste, notamment du contexte compliqué dans lequel vite une partie du Nord Cameroun.
Par exemple, dans cette partie, la guerre fait rage et plusieurs sont obligés d’abandonner leur maison et leur village. Il y a aussi le contexte de l’exode rural de la montée de l’islamisme radical ou de la sempiternelle question de la polygamie.
Un homme peut avoir cinq femmes. La première est sans contredit l’une des plus puissances femmes de la concession. Le pouvoir des autres femmes dépend de leur position. Parfois, c’est la mère du mari qui est la reine de la place. En fait, le plus crainte. Celle qui assène les insultes les plus virulentes.
Si les jeunes femmes travaillent fort, une fois de temps en temps, pendant les week-ends, elles ont quartier libre. C’est alors qu’elles se transforment en midinettes de nuit… Comme dit l’expression africaine, « la nuit, tous les chats sont gris ».
C’est ainsi que des copines de Faydé en profitent pour se faire des amis et même des amoureux contrairement à elle qui n’a pas vraiment la tête à ça. Enfin, jusqu’à ce que ses convictions changent. Heureusement ou malheureusement pour un professeur qui a presque envie de rompre certaines traditions.
Est-ce que ce sera assez pour rompre l’inévitable? Souffez qu’on ne vous en dit pas plus ici. En fait, il faut lire, que dire, dévorer le roman de Djaïli Amadou Amal pour en savoir plus.
Nous l’avons fait avec plaisir et bonheur et il est indéniable que ce sera le cas pour plusieurs lecteurs, amoureux ou non du Cameroun ou de cette auteure qu’il faut assurément surveiller au cours des prochaines années.