Dans son ouvrage Lumières de Pointe-Noire, l’auteur congolais Alain Mabanckou replonge les lecteurs dans son enfance, mais contrairement aux précédents ouvrages, il ne se sert pas que de ses souvenirs.
Après son premier voyage au Congo, en vingt-trois ans, l’auteur de Mémoire de porc-épic, Verre Cassé et Black Bazar signe son grand retour dans l’univers du roman avec une œuvre de 304 pages dans laquelle il ne ménage aucun effort pour faire (re)vivre à ses fidèles lecteurs la vie ponténégrine et son mal du pays.
Invité par l’Institut Français de Pointe-Noire pour une série de conférences en 2012, l’auteur a pu s’abreuver de l’ambiance familiale pour concocter une version congolaise de Cahier d’un retour au pays natal.
Dans la lignée de Demain J’aurai vingt ans, ou de Ma Sœur-Étoile, Mabanckou s’inspire de personnages réels issus de sa famille pour son livre. Il le fait un peu comme son ami Dany Laferrière dans l’Énigme du retour.
Il a ainsi pu retourner dans le quartier de son enfance, notamment sur la rue de Louboulou du nom du village d’origine de sa mère.
«Du fait de la concentration de notre famille dans cette rue, tonton Albert obtint des autorités qu’on la rebaptise rue de Louboulou, rappelant ainsi ce coin de la région de la Bouenza, dans le sud du pays, dont notre grand-père Moukila Grégoire fut le chef dès le milieu des années 1900.» Page 72
Dans son dernier livre paru aux éditions Seuil, Alain Mabanckou règle ses comptes avec lui-même… Lorsque sa mère Pauline Kengué et son beau-père Roger sont décédés, l’auteur n’a pu leur rendre un dernier hommage.
À sa façon, il le fait dans cet ovni littéraire où souvent surnaturel, surréalisme, fatalité, culpabilité et art se confondent.
«Je fais intérieurement le compte : je suis revenu dans cette ville dix-sept ans après la mort de ma mère, sept ans après celle de mon père et vingt-trois ans après mon départ pour la France.» Page 183.
Le récit de cet étonnant voyageur est passionnant et chargé d’émotions qu’il est difficile de ne pas sentir. La description est toujours aussi réaliste et son verbe reste tranchant. Par ailleurs, l’univers Mabanckourien semble ne plus avoir de secret pour qui suit avec assiduité l’auteur de 46 ans.
Autre subtilité de Lumières de Pointe-Noire, l’ouvrage est séparé en 25 chapitres qui portent chacun le titre de films vus autrefois au cinéma Rex. Ce qui était à l’époque un lieu de rêve et d’imagination pour l’enfant d’hier est devenu une église évangéliste.
Pour son retour au bercail, l’enfant prodigue a ramené dans ses valises sa compagne, Caroline Blache, d’abord et avant tout lectrice, et qui tout au long de ce périple va permettre de mettre une image à des personnages connus ou pas.
En parcourant les pages de Lumières de Pointe-Noire, les lecteurs découvriront ici et là des photos de lieux (Cinéma Rex, port et plage de Pointe-Noire) et une dizaine de portraits de personnages qui donneront un sens au souvenir de Mabanckou (Poupy le Séducteur, grand-mère Hélène, Bienvenue).
«En juin 2012, j’accompagne Alain à Pointe-Noire, explique Caroline Blache. Documentariste, je projetais depuis plusieurs années d’interviewer caméra au poing les personnages rencontrés au fil des livres de l’auteur de Verre Cassé. Pourtant, une fois sur place, l’appareil photo s’impose comme une évidence. Non parce qu’à Pointe-Noire quand on demande à être filmé c’est pour être pris en photo mais parce que je voulais rester discrète.»
Avant un autre retour cette année au Congo, Alain Mabanckou sera de passage à Montréal, à l’occasion du volet Recits d’Afrique du Festival Métropolis Bleu. Il devrait revenir en 2013 à Pointe-Noire (16 et 17 avril) pour présenter son œuvre aux Ponténégrins. Ce sera également l’occasion de voir les photographies de Caroline Blache, à l’occasion de l’exposition « Lumières de Pointe-Noire ».
Auteur de plusieurs romans dont Verre Cassé (Seuil, 2005), Mémoires de Porc-épic (Seuil, prix Renaudot 2006) et Demain j’aurai vingt ans (Gallimard, 2010), Alain Mabanckou est également enseignant de littérature francophone à l’Université de Californie-Los Angeles (UCLA). En décembre 2012, il a reçu le Prix de Littérature Henri Gal de l’Académie française.
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